Performance et gestion de la performance (Performance and Performance Management)

Daniel Maltais, Professeur
École nationale d'administration publique

daniel.maltais@enap.ca

Le concept de performance est utilisé quotidiennement dans tous les secteurs d'activités humaines. Les enfants doivent « performer » à l'école, les adultes doivent performer au travail et des performances exceptionnelles sont attendues des athlètes. Et on entend dire que les organisations non performantes, particulièrement dans un contexte de mondialisation, sont condamnées à disparaître. Quant à la performance des organisations publiques, plusieurs sont d'avis qu'elle est en crise. Ainsi, il n'est pas rare d'entendre dire qu'elles sont inefficaces, non efficientes, bureaucratiques, lentes à s'adapter ou à s'ajuster à leur environnement et gaspilleuses. Pas étonnant qu'« au cours des deux dernières décennies, l'amélioration des performances du secteur public [soit] devenue plus impérieuse dans les pays membres de l'OCDE » (OCDE, 2005, p. 64).

Le concept de performance peut être défini de plusieurs façons. Selon Le Grand dictionnaire Larousse, la performance est un mot anglais qui signifie « exécution, achèvement; par extension, exploit quelconque ». Cette définition met l'accent sur ce qu'on cherche à réaliser ultimement et correspond à la définition qu'en donne l'OCDE : « le rendement ou les résultats d'activités effectuées dans le cadre d'objectifs poursuivis. Sa finalité est de multiplier les cas dans lesquels les pouvoirs publics atteignent leurs objectifs » (OCDE 2005, p. 65). Par ailleurs, le dictionnaire Oxford propose une définition de la performance qui met plutôt l'accent sur les moyens : « the accomplishment, execution, carrying out, working out of anything ordered or undertaken; the doing of any action or work; working, action ». Parler de performance, c'est donc, selon ces définitions, réfléchir tant sur les résultats ultimes que l'on cherche à produire que sur les moyens appropriés pour y parvenir. Plus concrètement, parler de performance organisationnelle, c'est s'intéresser aux résultats ultimes produits par l'organisation (son profit, ses parts de marché, etc.) et aux moyens qu'elle utilise pour produire ces résultats (ses modes de production, sa structure formelle, ses pratiques de gestion des ressources humaines, matérielles, informationnelles, etc.).

L'expression critère de performance organisationnelle réfère à un type de résultats qu'une organisation, par ses activités, cherche à réaliser. Un critère s'apparente donc à un résultat ou à un indicateur sauf qu'il est souvent énoncé de manière plus générale qu'un résultat ou un indicateur qui, lui, s'appuie sur une collecte systématique d'information et fournit une mesure d'un critère donné. La rétention d'un ou plusieurs critères dans la définition de la performance d'une organisation procède généralement de ce que valorise une organisation alors que le choix d'un indicateur découlera de la préoccupation de mesurer ce qui a été produit (résultat) et de le comparer au produit souhaité au départ (objectif).

Dans l'administration publique traditionnelle, « la performance était déterminée par l'assurance de la conformité aux lois et règlements en vigueur, le contrôle des moyens et la déontologie du service public » (OCDE, 2005, p. 65). Il fut souvent reproché à cette approche d'être davantage, voire uniquement, centrer sur les processus (ou les moyens) plutôt que sur les résultats.

Au sein des administrations contemporaines, l'éventail des critères de performance s'est élargi, notamment en raison de pressions en ce sens exercées par les citoyens en général et les élus. Se trouve désormais dans la liste des critères de performance les plus courants celui d'économie que le vérificateur général du Québec définit comme « l'acquisition au meilleur coût et en temps opportun, des ressources financières, humaines et matérielles, en quantité et qualité appropriées » (L.R.Q., chapitre V-5.01)[1]. L'efficacité, autre critère fréquemment évoqué, est souvent définie comme l'atteinte d'objectifs prédéterminés ou la production d'effets recherchés. L'efficience, quant à elle, renvoie au rapport entre les extrants produits et les intrants utilisés pour ce faire (Gortner, Mahler et Bell Nicholson, 1993, p. 89). En ce sens, l'efficience s'apparente au critère de productivité. La qualité des produits ou des services offerts est un autre critère fréquemment utilisé pour apprécier la performance organisationnelle. La profitabilité, critère déterminant dans l'appréciation de la performance des entreprises, est utilisée par certains organismes d'État, notamment les sociétés d'État à vocation commerciale. L'équilibre budgétaire, c'est-à-dire le rapport entre ce qui a été effectivement dépensé et la dépense qui avait été planifiée, est un autre critère de performance qui a gagné en importance dans les administrations modernes. Dépenser moins que prévu ou atteindre l'équilibre budgétaire est considéré comme être performant, budgétairement parlant. Cependant, « les pays membres de l'OCDE intègrent de plus en plus systématiquement de l'information non financière sur les performances dans leur documentation budgétaire » (OCDE, 2005, p. 73).

S'agissant des moyens d'agir sur les critères de performance, il en existe une panoplie qui, selon les critères de performance privilégiés et les circonstances, a pris la forme d'outils ou de pratiques de gestion. Font figure d'exemples, les fonctions de gestion (Fayol, 1916; Gulick et Urwick, 1937), l'organisation scientifique du travail (Taylor, 1911) et sa version plus contemporaine de la réingénierie du travail (Champy et Hammer, 1993), la motivation des personnes (Maslow, 1954) ou leur mobilisation (Kernaghan, Marson et Borins, 2001), la mise en place de mesures ou de systèmes permettant d'améliorer les décisions (March et Simon, 1958), de gérer les risques, des programmes de développement des compétences, de qualité de vie au travail, d'innovation, d'équité en emploi, le PPBS[2], etc.

Finalement, au cours des dernières années, diverses formes d'évaluation de la performance ont pris de l'importance, lesquelles « peuvent englober des examens de programmes, une appréciation du rapport coût-efficacité, des examens sectoriels ponctuels et un examen des dépenses » (OCDE, 2005, p. 67).

Bibliographie

Champy, J. et M. Hammer (1993). Reengineering the Corporation: A Manifesto for Business Revolution, New York, Harper Business.

Fayol, H. (1916). Administration industrielle et générale, Paris, Dunod.

Gortner, H. F., J. Mahler et J. Bell Nicholson (1994). La gestion des organisations publiques, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec.

Gulick, L. et L. Urwick (dir.) (1937). Papers on the Science of Administration, New York, Institute of Public Administration.

Kernaghan, K., B. Marson et S. Borins (2001). L'administration publique de l'avenir, Toronto, Institut d'administration publique du Canada.

March, J. et H. Simon (1958 [1993]), Organizations, Cambridge, Blackwell.

Maslow, A. (1954). Motivation and Personality, New York, Harper Collins.

OCDE (2005). Moderniser l'État : la route à suivre, Paris, Éditions OCDE.

Taylor, F. W. (1911). Principles of Management, New York, Harper & Row.

Vérificateur général du Québec (1985). Loi sur le vérificateur général, article 21, www.vgq.gouv.qc.ca/fr/fr_organisation/fr_Fichiers/fr_Loi-verificateur-general.pdf (page consultée en juin 2010).


[1] Il s'agit d'un des trois critères privilégiés par le vérificateur général du Québec dans son analyse de la performance des ministères et des organismes gouvernementaux. Outre l'économie, sa loi définit l'efficience comme « la transformation, au meilleur rendement, des ressources en biens et services » et l'efficacité comme « l'atteinte, au meilleur degré, des objectifs ou autres effets recherchés d'un programme, d'une organisation ou d'une activité » (Vérificateur général du Québec, 1985).

[2] Le Planning, Programming Budgeting System a été développé dans l'entreprise puis importé dans l'administration publique américaine dans les années 1960. Bien que l'application de ce système dans l'administration américaine connut un succès mitigé, la systématisation des systèmes de planification, de programmation, de budgétisation (et d'évaluation) est une caractéristique des administrations modernes.

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Reproduction
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Pour citer
Maltais, D. (2012). « Performance et gestion de la performance », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)