Nancy Brassard, Professeure
École nationale d'administration publique
nancy.brassard@enap.ca
Roland Foucher, Professeur
Université du Québec en Outaouais
roland.foucher@uqo.ca
Pour un emploi à durée indéterminée, la rémunération fait référence aux avantages matériels, monétaires (salaire, indemnités de vie chère, primes, bonis, etc.) ou autres (absences rémunérées, services et privilèges, etc.), et aux bénéfices psychologiques (épanouissement, satisfaction, fierté, etc.) que reçoivent les individus pour assumer les rôles et les fonctions inhérents à leur poste et, selon les pratiques en vigueur, pour souligner leur rendement individuel ou leur contribution à des performances organisationnelles. Ces avantages, directs ou indirects, visent à récompenser les individus pour leur contribution et à susciter leur motivation à entrer dans l'organisation, à y demeurer et à fournir le meilleur d'eux-mêmes. En revanche, lorsque des services professionnels ou techniques sont rendus dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, le terme rémunération a souvent un sens plus restreint. Il peut, par exemple, ne contenir que la rémunération directe qui prend des noms tels qu'honoraires, émoluments ou cachets versés pour des actes spécifiques posés durant une période de temps déterminée.
La rémunération directe est fixe ou variable. Dans ce dernier cas, elle peut être versée selon deux types de régimes : l'un, d'ordre individuel, rattache la rémunération, totalement ou partiellement, au rendement de la personne; l'autre, de nature collective, prévoit qu'une partie de la rémunération est versée en fonction d'économies ou de performances organisationnelles, à court ou à long terme.
Saint-Onge, Commeiras et Balkin (2007) distinguent cinq formes de régimes individuels de rémunération :
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le salaire au mérite, qui prend en compte, au moins partiellement, le rendement des employés dans la détermination de leurs augmentations de salaire, en les intégrant par la suite dans leur échelle de rémunération;
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les primes au mérite, qui sont versées de façon forfaitaire en sus du salaire et qui ne sont pas intégrées aux échelles de rémunération;
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les régimes mixtes formés du salaire et des primes au mérite;
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les différentes pratiques de rémunération à la pièce;
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les commissions et les primes accordées au personnel de vente.
Certains auteurs incluent, dans ce type de régime, les primes à l'initiative ou les programmes de suggestions.
Pour susciter la motivation du personnel à avoir un effet positif sur la performance organisationnelle, les régimes individuels de rémunération au rendement ont intérêt à répondre à divers critères. Par exemple, il est avantageux de s'assurer que les salaires au mérite satisfont, notamment, aux conditions suivantes :
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le rendement dépend essentiellement des efforts de l'individu concerné;
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le rendement peut être mesuré adéquatement;
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il est possible de comparer le rendement des individus évalués et de leur attribuer des augmentations de façon juste;
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les augmentations offertes sont suffisantes pour justifier les efforts à déployer;
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la motivation provenant de la rémunération au mérite n'entraîne pas de comportements dysfonctionnels, comme une compétition indue;
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l'indexation des échelles ne crée pas de distorsion à la structure salariale susceptible de nuire aux principes d'équité interne;
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l'indexation des salaires ne menace pas, à moyen et à long terme, l'équilibre budgétaire de l'organisation.
Le respect de ces critères est particulièrement ardu dans les secteurs public et parapublic où des régimes individuels de rémunération variable sont utilisés, en raison notamment des problèmes suivants :
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il est parfois difficile de trouver les sommes d'argent permettant d'offrir une rémunération au rendement suscitant la motivation;
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même lorsque les performances sont collectives, c'est la rémunération du rendement individuel qui prime;
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en raison des difficultés à différencier les individus selon leur rendement, certains milieux sont tentés de faire profiter au plus grand nombre de personnes des avantages que procure la rémunération additionnelle provenant de l'enveloppe financière réservée au mérite, ce qui risque de créer des dysfonctions.
Tel que l'indique la liste de conditions à satisfaire, l'évaluation adéquate du rendement est au centre du processus d'attribution d'un salaire ou de primes au mérite. Elle constitue toutefois une entreprise complexe et semée d'embûches. Certains auteurs, tels Laurin et Boisvert (1997) de même que Morin (2004), affirment même qu'elle est la pratique la plus délicate, voire la plus désagréable qui soit, dans le domaine de la gestion. Divers défis doivent donc être relevés. Le premier est de choisir des indices de rendement fiables, précis et valides, et de les mesurer adéquatement. Selon Foucher (2007, p. 67), le rendement désigne « un résultat obtenu et, en corollaire, le degré de réussite que représente ce résultat. Ce degré de succès peut être évalué en fonction de divers critères : la conformité à une norme, l'atteinte d'objectifs préétablis ou la comparaison à un autre critère permettant de porter un jugement. » Le deuxième défi est de susciter la motivation des acteurs concernés à exercer les rôles qui leur sont dévolus pour mener à bien le processus d'évaluation du rendement. C'est une condition essentielle pour éviter une tendance qui a cours dans plusieurs organisations où il y a une rémunération basée sur le rendement : la surenchère dans les bons résultats aux évaluations (Brett et Atwater, 2001). Le troisième défi est d'insérer l'évaluation dans un système de gestion du rendement et de l'appuyer sur une culture compatible. L'évaluation du rendement pourra alors contribuer à l'atteinte des objectifs suivants : permettre la collecte et l'organisation de l'information transmise à un individu cible afin qu'il les utilise pour se développer et s'améliorer puis, ultimement, pour contribuer au développement et à l'amélioration de l'entreprise (Brassard, 2009).
Quant aux régimes collectifs de rémunération variable, Saint-Onge, Commeiras et Balkin (2007) en distinguent deux types. Les premiers, qui procurent des bénéfices à court terme, sont au nombre de cinq :
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les régimes de participation aux bénéfices;
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les régimes de partage des gains de productivité;
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les régimes de partage du succès;
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les régimes de primes d'équipes;
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les régimes de primes basées sur les performances individuelles et collectives.
Les seconds, qui octroient des bénéfices à long terme, sont au nombre de deux :
Alors que ces derniers régimes ne s'appliquent pas dans les secteurs public et parapublic, les premiers y présentent un intérêt, principalement lorsque les gains de productivité et les économies réalisées par l'organisation sont le résultat d'efforts collectifs. Pour les organisations qui hésitent entre ces deux types de régimes de rémunération variable, Saint-Onge et Thériault (2006) présentent une grille de critères visant à faciliter le choix entre ceux de nature individuelle et ceux de nature collective.
En conclusion, la rémunération associée au rendement n'est ni une panacée ni une source automatique de motivation et de performance. Gérée en respectant certains principes, elle peut toutefois s'avérer efficace. Mal gérée, elle est susceptible de causer des injustices, des conflits et d'autres problèmes ayant divers impacts négatifs.
Bibliographie
Adams, J. S. (1965). « Inequity in Social Exchange », dans L. Berkowitz, Advances in Experimental Social Psychology, New York, Academic Press, p. 267-297.
Brassard, N. (2009). Réactions du chef de PME après utilisation d'un système d'évaluation multi-source, thèse en administration, Université du Québec à Trois-Rivières.
Brett, J. et L. Atwater (2001). « 360-Degree Feedback: Accuracy, Reactions and Perceptions of Usefulness », Journal of Applied Psychology, vol. 86, no 5, p. 930-942.
Foucher, R. (2007). « Mesurer les compétences, le rendement et la performance : clarification des termes et proposition d'un cadre de référence », dans S. Saint-Onge et V. Haines (dir.), Gestion des performances au travail : bilan des connaissances, Bruxelles, De Boeck, p. 53-95.
Laurin, P. et D. Boisvert (1997). L'évalation collaborative du rendement : un guide méthodologique, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec.
Morin, D. (2004). L'évaluation : un malaise partagé, La Presse, cahier Les Affaires.
Saint-Onge, S., N. Commeiras et D. Balkin (2007). « Rémunération des performances : bilan des connaissances et voies de recherche », dans S. Saint-Onge et V. Haines (dir.), Gestion des performances au travail : bilan des connaissances, Bruxelles, De Boeck, p. 331-379.
Saint-Onge, S. et R. Thériault (2006). Gestion de la rémunération : théorie et pratique, Montréal, Gaétan Morin/Chenelière.
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Reproduction
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Pour citer
Brassard, N. et R. Foucher (2012). « Rémunération au rendement », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)