Jacques A. Plamondon, Professeur associé
École nationale d'administration publique
jacques.plamondon@enap.ca
Le code de conduite est une expression générique qui recouvre plusieurs réalités présentant des ressemblances de famille (family resemblances, selon l'expression wittgensteinienne). On se propose ici de la définir, mais aussi d'introduire ses déclinaisons en déterminant quatre concepts étroitement liés entre eux : ceux de « code », de « code de déontologie », d'« éthique » et de « code d'éthique ».
Le Petit Robert (1993) relève qu'au sens propre, le code est l'« [e]nsemble des lois et dispositions légales relatives à une matière spéciale ». Au sens figuré, on retient plutôt que c'est un « [e]nsemble de règles, de préceptes, de prescriptions ».
Dès lors, un code de conduite renferme les règles, les préceptes et les prescriptions que l'on souhaite voir appliquer à la régulation des conduites de l'administrateur public afin qu'il conserve une image d'intégrité morale. En général, deux types de codes importent aux membres de la fonction publique : le code de déontologie et le code d'éthique.
Le code de déontologie constitue un document de référence pour les membres d'une profession. Historiquement, le serment d'Hippocrate, prononcé par les médecins depuis la Grèce ancienne, en représente le premier exemple, puisqu'il fixe les règles et les normes d'une pratique médicale ordonnée au bien du patient. La codification de telles règles pour les autres professions a suivi et aujourd'hui, au Québec par exemple, chacune des professions reconnues par la loi possède un tel document de référence qui règle la pratique de ses membres. Dans la fonction publique, où l'on compte un large éventail de professionnels, plusieurs de ces codes de déontologie sont en usage. Ils font la promotion des comportements adéquats et assurent que les prestations de travail sont fournies avec compétence et dans le respect des obligations imposées par les corporations professionnelles qui en sont les gardiennes.
Le code d'éthique est une tout autre chose puisqu'il rassemble des règles qui s'appliquent plus largement aux comportements acceptables aux yeux d'une communauté dans tous les domaines de l'action humaine et non seulement dans celui des pratiques professionnelles. Longtemps, les codifications éthiques ont reposé sur les prescriptions morales d'inspiration religieuse. Avec l'avènement des Temps modernes (c'est-à-dire inspirés par la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle), on s'est progressivement rendu à l'idée que ces codes d'éthique devaient être adoptés sur la base de valeurs définies et reconnues par des communautés particulières, en tenant compte des lois en vigueur et des bonnes mœurs. Cette notion sera revue ultérieurement, lorsqu'on aura pris la mesure de la discipline qui lui offre son contenu.
Depuis quelques années, certains dérapages éthiques, constatés dans le secteur public, ont contribué à un regain d'intérêt pour l'étude de la philosophie morale ou « éthique ». C'est ainsi qu'on a vu naître une littérature abondante qui s'emploie à discuter les questions de moralité, cherchant à promouvoir les comportements inspirés par des valeurs reconnues. Les méthodes délibératives qui peuvent conduire à créer consensus autour de certains principes susceptibles d'influencer les comportements humains ont alors été dégagées, plus particulièrement lorsque se posent les dilemmes moraux qui surviennent régulièrement au cours d'une vie.
Ainsi, l'éthique revêt dorénavant un caractère plus appliqué que par le passé et son introduction parmi les disciplines utiles au travail de l'administrateur public est-elle de plus en plus répandue. Dans nos sociétés de droit, on n'excuserait plus qu'une administration publique ne pratique pas une vigilance de tous les instants pour agir avec intégrité dans la poursuite du bien commun. Bref, elle doit se donner les moyens de pratiquer une éthique de haute tenue et pour cela elle s'attache à éduquer les administrateurs publics sur les façons de pratiquer l'éthique de la discussion qui permet de parvenir aux consensus requis pour faire les meilleurs choix au point de vue de la morale dans les situations complexes qu'affronte l'administrateur public.
Or, cette pratique de l'éthique comme méthode, aussi nécessaire soit-elle, ne recouvre pas tous les besoins des administrations publiques en matière de régulation des comportements. C'est ainsi qu'on assiste à une généralisation des démarches concertées pour définir et adopter des codes d'éthique, codes à mettre en vigueur à différents niveaux de la pyramide des appareils publics avec pour objectif de les voir respectés par tous les employés.
Il existe assurément de bonnes pratiques de gestion en matière d'éthique grâce auxquelles un gestionnaire responsable peut doter son unité d'un code d'éthique. En somme, il lui appartient d'entretenir le climat de probité éthique dans son environnement en donnant l'exemple et en créant les conditions d'émergence de ces outils de régulation éthique. Là encore, une littérature administrative enseigne aux gestionnaires les façons de développer un code d'éthique qui soit approprié à leur milieu.
À la fin des années 1990, l'OCDE a entrepris des travaux importants sur les pratiques en usage chez ses membres qui ont conduit en 1998 à l'énoncé d'une note du Secrétaire général intitulée : Renforcer l'éthique dans le service public : les mesures des pays de l'OCDE. En 2000, ce rapport a été approuvé et il est devenu le fer de lance des initiatives de l'OCDE pour élaborer une « infrastructure éthique » dans le service public des pays membres.
Depuis une vingtaine d'années, l'intérêt pour l'éthique au Québec et au Canada s'est considérablement accru. Ainsi, le gouvernement fédéral a pris livraison du rapport Tait, De solides assises (Tait, 1996). Ce texte charnière a inspiré un déploiement concerté d'instruments de réflexion éthique mis à la disposition des employés de la fonction publique fédérale. Le Conseil exécutif du gouvernement du Québec n'a pas été de reste, puisqu'il a, au cours de ces mêmes années, pris l'habitude de publier une brochure à l'usage des administrateurs publics intitulée L'éthique dans la fonction publique québécoise. De plus, on a pu voir des dispositifs nouveaux chargés d'encadrer l'administrateur public en ce qui a trait à la pratique de l'éthique. Il suffit de penser aux activités de formation offertes soit par les ministères, les agences ou les sociétés d'État, soit par l'École nationale d'administration publique du Québec, ou encore au réseau de répondants éthiques désignés au sein des ministères ou des organismes, dont le mandat est de conseiller leurs collègues en matière d'éthique. Le gouvernement du Canada a en outre créé la fonction de commissaire à l'éthique, maintenant connue sous le nom de commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Le Québec devrait lui emboîter le pas sous peu, car les esprits sont mûrs pour l'adoption d'une législation à ce propos.
Par ailleurs, le vérificateur général du Canada, de même que celui du Québec, prend maintenant en considération cette dimension éthique dans la confection de ses rapports annuels et il attire volontiers l'attention sur les manquements éthiques, dont on peut être témoin au sein des institutions faisant l'objet de ses examens.
Pour conclure, l'éthique s'avère une dimension essentielle de la responsabilité d'un administrateur public et elle contribue à maintenir la confiance du citoyen et du contribuable à l'endroit des institutions politiques ou administratives. Un gestionnaire soucieux de bien servir ses concitoyens doit en conséquence maintenir de hauts standards à cet égard. Pour l'aider dans son action, il dispose des fruits d'une longue tradition de réflexion philosophique et il peut aussi compter sur les codes de conduite, les codes de déontologie ou les codes d'éthique, qui sont autant d'instruments pour encadrer une gestion marquée au coin d'une éthique rigoureuse et crédible.
Bibliographie
Apel, K.-O. (1994). Éthique de la discussion, Paris, Cerf.
Boisvert, Y. et autres (2003). Petit manuel d'éthique appliquée à la gestion publique, Montréal, Liber.
Dicaire, A. (2003). L'éthique dans la fonction publique québécoise, Sainte-Foy, Publications du Québec.
Habermas, J. (1986). De l'éthique de la discussion, Paris, Cerf.
Le Petit Robert (1993). Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.
OCDE (2000). Renforcer l'éthique dans le secteur public : les mesures des pays de l'OCDE, www.oecd.org/dataoecd/60/21/1899469.pdf (page consultée en juillet 2011).
Tait, J. C. (1996). De solides assises : rapport du groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, Ottawa, Centre canadien de gestion.
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Reproduction
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Pour citer
Plamondon, J. A. (2012). « Code de conduite », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)