Nancy Brassard, Professeure
École nationale d'administration publique
nancy.brassard@enap.ca
Roland Foucher, Professeur
Université du Québec en Outaouais
roland.foucher@uqo.ca
Selon certains auteurs, une nouvelle ère de la gestion des ressources humaines (Foucher, 2007) est commencée. Ceci requiert des gestionnaires qu'ils révisent leurs pratiques de gestion et en intègrent de nouvelles. À cet égard, la gestion des talents suscite beaucoup d'intérêt depuis quelques années (Foucher et Naji, 2010) mais avant de traiter de cette dernière, des précisions s'imposent toutefois sur la notion de talent.
Comme l'indiquent divers dictionnaires (Andrieux-Reix, 2004; Rey, 2010), l'origine étymologique du mot talent remonte à la Grèce antique où ce terme référait à un poids. En ancien français et jusqu'au XVIe siècle, il a eu le sens d'« humeur » et d'« état d'esprit ». Aujourd'hui, la notion de talent désigne habituellement une disposition, un don, une aptitude remarquable, une capacité naturelle ou acquise dans un domaine ou une activité. En ce sens, est également qualifiée de personne de talent, une personne qui est douée dans un domaine ou une activité. Aussi, certaines définitions associent la notion d'excellence à celle de talent. Par ailleurs, alors que certains auteurs considèrent que talent et compétence sont synonymes, d'autres estiment que le talent renvoie à une disposition, et la compétence, à un extrant observable et démontré. Autrement dit, le talent est l'un des facteurs à l'origine de la compétence et du rendement. Pour compléter cet aperçu, Foucher (2010) conclut, à la suite d'une recension des écrits, que le talent possède les propriétés suivantes :
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il constitue une composante profonde de l'individu;
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il est un déterminant de la compétence;
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il s'exprime dans un domaine précis;
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il est précurseur d'excellence;
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il est souvent un don, une disposition héréditaire procurant la facilité d'apprendre et de performer, mais il peut aussi être acquis;
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il peut être développé.
L'importance du talent et de la compétence peut se démontrer par le fait qu'il est généralement aisé de faire confiance à une personne dotée de ces deux attributs, de se fier à son jugement ou à ses avis et de lui donner la latitude menant à la mobilisation de ressources à l'origine de la résolution de problèmes. Sur le plan organisationnel, les talents et les compétences sont aussi reconnus comme source de performance et d'avantages concurrentiels pour les organisations (Levy-Leboyer, 2009), d'où l'intérêt à mettre en place des processus destinés à les gérer.
En gestion, la tendance encourageait, jusqu'à tout récemment, l'usage de l'expression gestion des compétences en ignorant le plus souvent la notion de talent ou en ne l'incluant que de façon implicite. Apparue au milieu des années 1990, l'expression gestion des talents est l'objet de définitions variées. À une extrémité, elles renvoient à des contenus assimilables à de simples pratiques de gestion prévisionnelle alors qu'à l'autre elles font référence à des pratiques ayant un contenu propre.
Considérée comme un enjeu précis, et même une approche dans certains ouvrages spécialisés tels les collectifs publiés sous la direction de Berger et Berger (2004) et de Silzer et Dowell (2010), la gestion des talents sert le plus souvent à désigner un ensemble intégré de politiques, d'activités et de normes culturelles destiné à attirer, à cibler, à développer, à mettre à contribution, à reconnaître et à maintenir en emploi des personnes dont les dispositions ou les aptitudes peuvent avoir un impact significatif sur l'atteinte des objectifs stratégiques de l'organisation. Autrement dit, ces politiques, pratiques et normes visent la création d'un réservoir de talents dans des postes de gestion et dans les secteurs névralgiques de l'organisation, en s'appuyant sur des mécanismes permettant de les repérer, de les développer, de les reconnaître, de les mettre en valeur et de les maintenir en emploi. En visant la contribution significative à l'atteinte de l'excellence et des objectifs stratégiques, cette approche se base généralement sur des pratiques différenciées de gestion en fonction des talents détenus par les individus. En conséquence, la validité de ces pratiques et leur application équitable sont nécessaires à leur efficacité et au bon fonctionnement de l'organisation. Enfin, diverses approches de la gestion des talents se basent sur un mécanisme intégrateur, soit celui d'un référentiel de compétences, qui sert à la fois à l'identification, au développement et à la rémunération des talents.
Apparue dans le secteur privé, notamment pour répondre aux enjeux de compétitivité qui s'avéraient contraignants, la gestion des talents pénètre progressivement dans les secteurs public et parapublic, principalement en réponse aux trois défis suivants : la nécessité de rendre plus efficace la prestation de services en raison de contraintes budgétaires; la difficulté de recruter et de maintenir en emploi les personnes ayant les talents les plus marquants à cause de la compétition provenant du secteur privé; la nécessité d'assurer un meilleur développement des personnes et de leurs compétences pour faire face aux changements devenus plus nombreux, plus fréquents et plus profonds. Dans un contexte socioéconomique faisant appel à de nouvelles normes de fonctionnement et de performance, la gestion des talents constitue une tentative de réponse basée sur le renforcement de certaines contributions et sur la mise en place de moyens destinés à cette fin. Pour assurer l'acceptation et l'efficacité de cette approche, il est prudent de l'implanter en prenant en compte le principe de solidarité en regard des défis actuels. Comme le fait remarquer Labruffe (2005), « nous sommes tous solidaires face à un environnement menaçant, et seule la coopération au sein des organismes permet à chacun d'être plus satisfait et donc plus efficace ». En d'autres termes, l'accent mis sur la gestion de certaines personnes ne devrait faire oublier ni les autres ni le bien de l'ensemble de l'organisation.
Bibliographie
Andrieux-Reix, N. (2004). Ancien français, fiches de vocabulaire, Paris, Presses universitaires de France.
Berger, L. A. et D. R. Berger (dir.) (2004). The Talent Management Handbook, New York, Mc Graw-Hill.
Bouteiller, D. et L. Morin (dir.) (2009). Développer les compétences au travail, Montréal, HEC Montréal.
Foucher, R. (2010). « Clarifier les concepts de compétence et de talent », dans R. Foucher (dir.), Gérer les talents et les compétences : principes, pratiques, instruments. Tome 1 : Fondements de la gestion des talents et des compétences, Montréal, Éditions Nouvelles, p. 69-164.
Foucher, R. (2007). « Mesurer les compétences, le rendement et la performance : clarification des termes et proposition d'un modèle intégrateur », dans S. Saint-Onge et V. Haines (dir.), Gestion des performances au travail. Bilan des connaissances, Bruxelles, De Boeck, p. 53-95.
Foucher, R. et A. Naji (2010). « Retracer les raisons d'être et les principales déclinaisons des démarches compétence », dans R. Foucher (dir.), Gérer les talents et les compétences : principes, pratiques, instruments. Tome 1 : Fondements de la gestion des talents et des compétences, Montréal, Éditions Nouvelles, p. 19-68.
Labruffe, A. (2005). Management des compétences : construire votre référentiel, Saint-Denis La Plaine, Afnor.
Lévy-Leboyer, C. (2009). La gestion des compétences, Paris, Éditions d'organisation.
Rey, A. (dir.) (2010). Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.
Silzer, R. et B. E. Dowell (dir.) (2010). Strategy-Driven Talent Management: A Leadership Imperative, San Francisco, Jossey-Bass.
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Reproduction
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Pour citer
Brassard, N. et R. Foucher (2012). « Gestion des talents », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)