Politique internationale (International Policy and Politics)

Stéphane Paquin, Professeur agrégé et Titulaire de la Chaire de recherche
du Canada en économie politique internationale et comparée
École nationale d'administration publique

stephane.paquin@enap.ca

Le concept de politique internationale est polysémique, mais recouvre généralement deux réalités. Dans un premier temps, il représente les relations de pouvoir entre les acteurs étatiques au-delà des frontières d'au moins un État. Dans un second temps, il désigne la discipline universitaire qui s'intéresse aux questions internationales.

Le terme politique internationale est souvent utilisé comme synonyme de relations internationales, bien que ces deux termes ne renvoient pas exactement à la même réalité. Le concept de relations internationales recouvre l'ensemble des relations existant entre les acteurs publics (États-nations, organisations internationales) et traversant les frontières d'au moins un État. Le concept de politique internationale s'intéresse pour sa part non seulement aux simples relations entre les États-nations, mais également aux relations politiques ou de pouvoir entre les acteurs sur la scène internationale.

Aussi, le concept de politique internationale doit être différencié de celui de politique mondiale, puisque ce dernier inclut dans l'analyse les acteurs publics et privés internationaux aussi appelés acteurs transnationaux. Ces acteurs peuvent être des multinationales, des organisations non gouvernementales (ONG) comme Greenpeace ou Médecins Sans Frontières ou encore des mouvements terroristes comme Al-Qaïda (Smith, Owen et Baylis, 2011, p. 2-3).

Enfin, la politique internationale est différente de la politique étrangère qui représente, selon Marcel Merle, « la partie de l'activité étatique qui est tournée vers le “dehors” » (Merle, 1984, p. 7). Dans ce cas, il s'agit d'une politique publique internationale.

La première chaire de recherche ayant porté sur la politique internationale a été créée après la Première Guerre mondiale à la University of Wales. La politique internationale comme champ de recherche progressera ensuite rapidement, en particulier aux États-Unis qui comptent de nos jours le plus grand nombre de spécialistes et d'institutions se consacrant à l'étude de ces questions. La domination américaine est si importante que vers la fin des années 1970, Stanley Hoffman écrivait que l'étude de la politique internationale représentait une science sociale américaine (Hoffman, 1977). Près de vingt ans plus tard, Ole Wæver proposait une analyse sociologique de la discipline où le constat était similaire (Wæver, 1998).

En tant que champ de recherche, la politique internationale peut être subdivisée en plusieurs domaines de spécialisation, dont les plus importants sont ceux qui portent sur les questions de sécurité, sur l'économie politique internationale et sur l'étude de la politique étrangère (Maliniak et autres, 2011, p. 437-438).

Les spécialistes des questions de sécurité se penchent sur des aspects comme les causes de la paix et de la guerre, l'évolution de la nature des guerres, les causes des guerres civiles, la reconstruction des États effondrés, les effets de la mondialisation sur les guerres ou encore les cyberguerres. Parmi les débats récents, la théorie de la paix démocratique, qui soutient que deux démocraties de longue date ne se sont jamais fait la guerre, est particulièrement importante (Battistella, 2009).

L'économie politique internationale se distingue des autres sous-champs de la politique internationale en raison de l'accent qu'elle met sur la dimension économique des problématiques internationales. Elle s'intéresse fondamentalement aux déterminants politiques des questions économiques internationales, aux interactions réciproques entre les États et les marchés, ainsi qu'à leurs effets sur la politique internationale, que ce soit la libéralisation financière ou les processus d'intégration économique, par exemple. Les spécialistes de cette discipline étudient entre autres la mondialisation et ses effets sur les politiques publiques et sur l'autonomie de l'État, les négociations commerciales multilatérales et bilatérales, les questions de la régulation de la finance internationale et les inégalités économiques mondiales (Paquin, 2012).

Les spécialistes de la politique étrangère poussent leurs études du côté des déterminants de la politique étrangère d'un État. Ils sont généralement experts d'un pays ou d'un groupe de pays et examinent les éléments qui influencent la politique étrangère, comme les sondages d'opinion, les processus décisionnels, la psychologie des décideurs, le rôle des bureaucraties dans le processus décisionnel, les idéologies ou encore les difficultés de mise en œuvre des décisions (Pigman, 2010).

L'étude de la politique internationale s'inscrit généralement à l'intérieur de grandes perspectives théoriques, dont les principales sont de nos jours les perspectives réaliste, libérale et constructiviste.

Selon Tim Dunne et Brian Schmidt, le réalisme est la théorie dominante des relations internationales (Dunne et Schmidt, 2011, p. 90). Sa longue histoire remonte à Thucydide, Machiavel, Hobbes et Rousseau. Le paradigme réaliste s'intéresse particulièrement aux questions de sécurité, de guerre et de paix. Bien qu'il existe plusieurs courants au sein du réalisme, les auteurs qui s'inscrivent dans ce paradigme soutiennent essentiellement que l'État-nation est l'acteur dominant en politique internationale. Pour eux, le système international est anarchique puisqu'aucune unité centrale ne régule le système. Étant donné que les États sont réputés pour être égoïstes, ils doivent assumer eux-mêmes leur sécurité. L'intérêt national d'un État en politique internationale se mesure à sa capacité d'assurer sa survie par la mise en œuvre d'une politique de puissance. Une telle politique fait cependant naître de l'insécurité chez les autres États qui risquent de s'armer en retour. Cette situation conduit au dilemme de sécurité. Pour les réalistes, la variable explicative repose sur la distribution de la puissance entre les acteurs du système international. Les auteurs de référence de ce paradigme sont Kenneth Waltz, Henry Kissinger et Raymond Aron.

La perspective libérale possède également une longue histoire qui remonte à Grotius, Locke ou Kant. Selon les auteurs qui inscrivent leurs travaux dans cette perspective, les acteurs premiers de la politique internationale sont les individus et des groupes privés qui interagissent et ont pour objectif de promouvoir leurs intérêts. Les libéraux sont pluralistes. Pour eux, l'État demeure un acteur important, voire fondamental, de la politique internationale, mais d'autres acteurs comme les firmes multinationales, les organisations internationales ou encore les ONG sont également essentiels. La nature du système international est plus le résultat des préférences des États que celui de la distribution de la puissance dans le système international ou encore des exigences des classes dominantes. Les États créent des organisations internationales afin de faciliter leur coopération, de diminuer les risques de conflits et de gouverner la mondialisation. Les libéraux sont plus optimistes et estiment que l'Homme apprend de ses erreurs. Les auteurs de référence parmi les libéraux sont Robert Keohane et Joseph Nye (Dunne, 2011).

La perspective constructiviste se penche quant à elle sur la construction sociale des idées et des normes dans la politique internationale. Ces règles et ces normes influencent et encadrent le comportement des acteurs et structurent la politique internationale. Pour les constructivistes, la construction de sens de la politique internationale influe sur le processus décisionnel des États. Selon Alexander Wendt, un pistolet entre les mains d'un ami ou entre celles d'un ennemi n'a pas la même signification puisque l'hostilité est une relation sociale et non matérielle (Wendt, 1995). Pour les constructivistes, certains concepts clés, comme celui d'anarchie, représentent plus une construction sociale qu'une réalité matérielle. Les auteurs de référence sont Nicolas Onuf et Alexander Wendt.

Bibliographie

Battistella, D. (2009). Théories des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po.

Dunne, T. (2011). « Liberalism », dans J. Baylis, S. Smith et P. Owen (dir.), The Globalization of World Politics: An Introduction to International Relations, Oxford, Oxford University Press, p. 102-129.

Dunne, T. et B. Schmidt (2011). « Realism », dans J. Baylis, S. Smith et P. Owen (dir.), The Globalization of World Politics: An Introduction to International Relations, Oxford, Oxford University Press, p. 86-98.

Hoffman, S. (1977). « An American Social Science: International Relations », Daedalus, vol. 106, n° 3, p. 41-60.

Maliniak, D. et autres (2011). « International Relations in the US Academy », International Studies Quarterly, vol. 55, n° 2, p. 437-464.

Merle, M. (1984). La politique étrangère, Paris, Presses universitaires de France.

Paquin, S. (2012). Les théories de l'économie politique internationales, Paris, Presses de Sciences Po.

Pigman, G. A (2010). Contemporary Diplomacy, Cambridge, Polity Press.

Smith, S., P. Owen et J. Baylis (2011). « Introduction », dans J. Baylis, S. Smith et P. Owen (dir.), The Globalization of World Politics: An Introduction to International Relations, Oxford, Oxford University Press, p. 1-13.

Wæver, O. (1998). « The Sociology of a not so International Discipline: American and European Developments in International Relations », International Organization, vol. 52, n° 4, p. 687-727.

Wendt, A. (1995). « Constructing International Politics », International Security, vol. 20, no 1, p. 71-81.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Paquin, S. (2012). « Politique internationale », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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