Acteur international (International Actor)

Louis Sabourin, Professeur
École nationale d'administration publique

louis.sabourin@enap.ca

La notion d'acteur international n'a cessé de s'élargir au fil des ans. Pendant longtemps, elle a été réservée aux entités préétatiques comme les cités et les villes, les empires, les régimes monarchiques et féodaux ainsi que les Églises, les congrégations religieuses et les mouvements tels les Templiers ou les Chevaliers de Malte, sans oublier les instances commerciales (la Compagnie orientale des Indes fondée en 1602) et financières comme les grandes banques italiennes. Puis, au XVIIe siècle, l'État est devenu l'acteur international principal et l'est demeuré jusqu'à ce jour. Cependant, des organisations internationales publiques et d'autres instances comme les sociétés multinationales et les organisations non gouvernementales (ONG) ont commencé à jouer un rôle de plus en plus important à l'échelle mondiale. Il en va de même pour les mouvements, les institutions parapubliques, les groupes et les personnalités publiques dont les actions transcendent les frontières.

Les acteurs internationaux sont effectivement si nombreux (Badie et Smouts, 1992) qu'il est difficile d'en donner une définition simple et d'en tracer un tableau complet (Moreau Defarges, 2010). Il est toutefois possible de regrouper les acteurs internationaux à caractère non étatique de la manière qui suit.

Organisations non gouvernementales

Les ONG sont des entités établies et régies par des individus, d'abord sur le plan national, puis aux paliers régional, continental et, enfin, à l'échelon international (Merle, 1986). En principe, les ONG ne relèvent pas d'un État ou d'une organisation internationale. Les premières ONG modernes internationales se sont développées au XVIIIe siècle pour combattre l'esclavage et au XIXe siècle pour favoriser la paix en Europe. Le Historical Dictionary of International Organizations (Schechter, 2009) en dénombre plus de 50 000, dont 7 500 à caractère véritablement international. Un peu plus de 4 000 ont un statut consultatif et d'observateur auprès du Conseil économique et social de l'ONU en vertu des dispositions de l'article 71 de la Charte de l'ONU. Les ONG agissent aujourd'hui dans tous les domaines : le développement et l'aide humanitaire (OXFAM, Médecins sans frontières), la promotion des droits de la personne (Amnistie internationale, Human Rights Watch), la protection des enfants (Save the Children), la protection de l'environnement (Greenpeace), la lutte contre la corruption (Transparency International) et la lutte au VIH-SIDA (Sidaction). Plusieurs ONG sont liées à des Églises et œuvrent en particulier en éducation, en santé et pour la justice (Caritas, Développement et Paix). D'une manière générale, la plupart des ONG dites caritatives sont des personnes morales qui répondent aux critères suivants : le but non lucratif de leur action, leur indépendance politique, leur autonomie financière, l'origine privée de leur constitution, leur action au nom de l'intérêt public (Bessis, 1997).

Mais ce n'est pas toujours le cas. D'autres grandes ONG poursuivent des objectifs très précis et ont acquis, grâce à la médiatisation, une influence internationale considérable : le CIO (Comité international olympique) par exemple et la FIFA (Fédération internationale de football association) dont les budgets dépassent celui de nombreux États. S'ajoutent à ces ONG d'influence des associations regroupant des métiers et des professions, des syndicats, des partis politiques, des parlementaires et des groupes idéologiques des plus divers. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est aujourd'hui l'organisation humanitaire privée la plus connue et la plus respectée dans le monde, alors que d'autres entités (groupes terroristes ou mafieux) exercent leurs activités illégales à l'échelon planétaire. Enfin, il faut accorder une place spéciale aux grandes Églises universelles, notamment l'Église catholique romaine, les Églises orthodoxes et protestantes, l'Islam, les religions juive, bouddhiste, hindouiste et plusieurs autres instances religieuses.

Si plusieurs ONG agissent dans le cadre de missions précises ou reçoivent une part de leur financement de l'État ou d'organismes parapublics, d'autres posent des actions qui s'apparentent à celles des lobbys. Si leur légitimité, leur représentativité, leur efficacité sont souvent remises en cause, d'autres ONG jouent toutefois un rôle supplétif voulu par l'État. Bien qu'elles demeurent dépourvues de la personnalité juridique internationale, elles sont, ou cherchent à devenir, des moteurs singuliers de la société civile en dénonçant des abus ou en publicisant des problématiques multiples. Leurs activités sont particulièrement mises en lumière lors de sommets mondiaux, de conférences internationales ou à l'occasion de séismes, de conflits ou d'événements fortement médiatisés où les mouvements antimondialistes font l'objet d'une attention particulière (Revel, 2006).

Firmes multinationales

Les sociétés multinationales ou transnationales sont des entreprises privées généralement de grande taille qui œuvrent surtout dans les secteurs industriel, commercial et bancaire, mais qui, depuis l'accélération de la mondialisation, sont actives dans presque tous les secteurs de la vie humaine, notamment dans ceux de la recherche et du savoir. Aux côtés des grandes sociétés comme Exxon, Total, Shell, BP, Nike, Sony, General Motors, Toyota, Nestlé, IBM, Coca Cola, McDonald, Barclays, la Société Générale, Goldman Sachs, se trouvent maintenant des réseaux comme CNN, Microsoft, Hewlett-Packard, Apple, Google. Leur rôle est devenu central dans les échanges internationaux, à commencer par leurs investissements directs à l'étranger. Les observateurs estiment que les transnationales contrôlent environ 75 % des flux commerciaux mondiaux.

Les firmes multinationales peuvent être définies comme des entreprises formées d'un centre de décision localisé dans un pays et de lieux d'activités, dotées ou non de personnalité juridique propre, situées dans un ou plusieurs autres pays. Leur but est de faire du profit (Macerole, 2006). Elles ont une grande facilité d'accès aux matières premières, aux ressources humaines compétentes et au capital. Elles peuvent aussi se déplacer rapidement un peu partout dans le monde et faire la mise en marché de leurs produits et services par un marketing spécialisé. Leur influence sur les États et les populations est considérable. Depuis 1970, surtout à l'époque où, sous la pression des pays en développement, l'établissement d'un nouvel ordre économique mondial fut tenté, l'ONU a cherché à réglementer l'action des multinationales. Plusieurs autres instances internationales comme l'Organisation internationale du travail (OIT), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'OCDE ont aussi établi des codes de conduite pour mieux définir et surtout mieux réguler les activités des multinationales. Elles agissent notamment dans les pays en développement, mais y obtiennent des succès inégaux d'autant plus que certaines multinationales émanent maintenant de pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Mexique, Argentine, Russie) et qu'elles sont souvent directement ou indirectement établies et régies par les États eux-mêmes. Le poids croissant des sociétés multinationales est étroitement associé à la montée des flux et des échanges. Les fonds souverains (Koweït, Chine, Singapour, Norvège, Dubaï), par exemple, qui gèrent des réserves colossales et occupent maintenant une place singulière sur les marchés des capitaux internationaux doivent également être soulignés.

Fondations

À côté des ONG et des sociétés multinationales s'imposent aussi les fondations qui, bien qu'elles soient établies dans un État, exercent un rôle international grandissant, particulièrement sur les plans culturel (financement de musées et d'activités de groupes artistiques), éducationnel (bourses d'études, échanges professeurs et chercheurs), d'aide au développement (éducation, santé), de défense de l'environnement et de lutte contre les changements climatiques. Ces entités, comme les Fondations Nobel, Aga Khan, Ford et Rockefeller, sans oublier la toute récente Fondation de Bill et Melinda Gates, sont devenues avec tant d'autres, des acteurs internationaux de plus en plus puissants.

Organismes à caractère normatif

Ces groupes formés d'individus provenant tant des secteurs public, parapublic que privé sont souvent associés aux ONG, mais leur statut et leur caractère sont fort différents. Ils regroupent surtout des professionnels dont l'un des buts est de définir des normes internationales qui seront finalement acceptées par les États. L'un des plus singuliers est l'Organisation internationale de normalisation (ISO) qui regroupe des experts de près de 160 pays. L'ISO émet une multitude de normes professionnelles qui portent autant sur la qualité du management que sur la protection de l'environnement et la responsabilité sociale des entreprises.

La Chambre de commerce internationale de même que le World Business Council for Sustainable Development (regroupement de chefs d'entreprises), le Business and Industry Advisory Committee (BIAC) et l'Organisation internationale des employeurs (OIE) sont d'autres instances internationales qui, avec les grandes associations internationales d'ouvriers et de travailleurs appartenant à différentes tendances idéologiques, exercent une influence sur l'évolution des politiques nationales et internationales par leur intervention auprès des grandes organisations internationales telles la Banque mondiale, l'OMC et l'OCDE.

Instituts, think tanks, forums, groupes d'experts

Au fil des ans, des groupes ou centres de réflexion ont été formés et ont exercé une influence internationale parfois déterminante. À côté des forums économiques annuels tels ceux de Davos, de Montréal et d'ailleurs, ou des rencontres de Porto Alegre pour les ONG antimondialistes, se sont multipliés les instituts, les think tanks, les groupes de recherche et de réflexion d'abord aux États-Unis et en Grande-Bretagne, puis sur le continent européen et ailleurs dans le monde : leur rôle est de produire des idées, d'évaluer des politiques dans des secteurs variés, de publier des études et de formuler des propositions. La Brookings Institution, la Carnegie Endowment for International Peace, la Rand Corporation en sont des exemples saillants.

Mouvements de libération nationale

Il s'agit de groupes de personnes plus ou moins organisés qui se livrent à des luttes dans le but général d'établir un État indépendant ou qui jouissent d'un statut d'autonomie sur une partie d'un territoire national. Ces mouvements ont été et demeurent très nombreux en Afrique et en Asie, mais ils sont aussi présents sur tous les continents. Chez les Basques, par exemple, ou chez les Irlandais du Nord qui ont longtemps fait les manchettes. Même chose pour tous les mouvements dans l'ex-Yougoslavie et l'ex-Union Soviétique, à côté des Tibétains, des Ouïgours, des Kurdes et surtout des Palestiniens qui ont été officiellement reconnus par l'ONU le 28 octobre 1974. L'Organisation de libération de la Palestine est aussi membre à part entière de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique.

Instances infraétatiques

Depuis quelques décennies, en l'occurrence sous l'impulsion du Québec qui est devenu gouvernement participant de l'Organisation internationale de la Francophonie, des États fédérés ont créé des institutions pour agir dans les domaines qui relèvent de leur compétence intérieure comme l'éducation, la culture, l'environnement. Il en va de même pour de nombreuses régions à l'intérieur de l'Union européenne. Au même titre, les métropoles telles Tokyo, Londres, Berlin, Mexico, Hong Kong, São Paulo, Los Angeles, New York, Montréal, Moscou, Mumbaï, Shanghai sont devenues de véritables mégalopoles qui agissent directement sur le plan mondial. Des réseaux se sont organisés, de même que des jumelages, dans le but de favoriser les échanges. Enfin, le tableau complet doit maintenant compter avec des diasporas nombreuses dont les actions politiques et économiques ne cessent de croître.

Le cas des individus

Sur le plan juridique, plusieurs conventions internationales protègent déjà l'individu à commencer par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et surtout le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés en 1966 et entré en vigueur en 1976, tous deux adoptés par l'ONU.

D'une manière plus précise, des conventions internationales régissent maintenant les cas des migrants, des apatrides et des réfugiés en plus de ceux des diplomates et des touristes sans oublier les mafieux, les terroristes et les criminels qui préoccupent de plus en plus les États et les organismes internationaux.

À une époque où la mondialisation est devenue un enjeu planétaire, des individus deviennent régulièrement des acteurs internationaux très en vogue. De telles personnalités émanent souvent du monde politique (d'anciens leaders comme Mandela, Blair ou Clinton), du monde religieux (le Pape, le Dalaï-lama, Mère Teresa), du monde des affaires ou des milieux de la télévision, du cinéma, du sport, de la mode, de la musique et de la culture. Elles deviennent de véritables « chargés de mission internationale » et participent ainsi à la multiplication du nombre d'acteurs sur la scène mondiale.

Bibliographie

Badie, B. et M.-C. Smouts (1992). Le retournement du monde : sociologie de la scène internationale, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques et Dalloz.

Bessis, S. (1997). « Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats internationaux dans les années 90 », Tiers-Monde, vol. 38, no 151, p. 659-675.

Boughton, J. M. et C. I. Bradford Jr. (2007). « Gouvernance : nouveaux acteurs, nouvelles règles. Pourquoi transformer le modèle du 20e siècle », Finances et Développement, p. 10-14.

Cohen, S. (2005). Les États face aux nouveaux acteurs, www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0204-Cohen-FR-1-3.pdf (page consultée en juillet 2011).

Diez de Velasco Vallejo, M. (1999). Les organisations internationales, Paris, Economica.

Krasner, S. D. (1983). International Regimes, Ithaca, Cornell University Press.

Macerole, F. (2006). Les firmes multinationales, Paris, Venebert.

Merle, M. (1986). Les acteurs dans les relations internationales, Paris, Economica.

Moreau Defarges, P. (2010). La mondialisation, Paris, Presses universitaires de France.

Piteus, C. (2000). The Nature of Transnational Firms, New York, Routledge.

Quinner, E. et J. Galens (2004). Les organisations non gouvernementales et le management, Paris, Vuibert.

Revel, C. (2006). La gouvernance mondiale a commencé : acteurs, enjeux, influences… et demain?, Paris, Ellipses.

Reynolds, P. A. (1979). « Non-State Actors and International Outcomes », British Journal of International Studies, Cambridge University Press, vol. 5, no 2, p. 91-111.

Rubio, F. (2004). Dictionnaire pratique des organisations non gouvernementales, Paris, Ellipses.

Schechter, M. G. (2009). Historical Dictionary of International Organizations, Lanham, Scarecrow Press.

Télescope (2009). Les organisations internationales et la diffusion des systèmes de gouvernance, vol. 15, no 2.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Sabourin, L. (2012). « Acteur international », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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