Mentorat (Mentoring)

Marie-Michèle Guay, Professeure titulaire retraitée
École nationale d'administration publique

mmichele.guay@videotron.ca

Le mentorat est un processus d'accompagnement d'un mentoré par une personne expérimentée (mentor), qui vise à soutenir le mentoré dans son développement, tout en favorisant son intégration professionnelle (nouvel environnement, nouveau rôle). La relation d'apprentissage volontaire, à caractère confidentiel, peut être formelle ou informelle et suppose de part et d'autre de la confiance, du respect et de la réciprocité.

Le mentorat trouve ses origines dans la mythologie grecque, Mentor étant le fidèle ami d'Ulysse. Ce dernier avait confié à Mentor le soin de veiller à l'éducation de son fils Télémaque, agissant par la même occasion comme conseiller avisé, guide et pédagogue. L'histoire nous rappelle que la déesse Athéna apparaît à Télémaque au cours de son voyage en adoptant les traits du visage de Mentor pour le conseiller et le protéger. La tradition du mentorat, qui a d'abord fait son chemin à partir des États-Unis, s'implante aujourd'hui avec succès dans l'administration publique et s'appuie principalement sur les concepts d'apprentissage, de transmission des savoirs et du développement de carrière. Sur le plan théorique, le mentorat s'inspire des théories du comportement organisationnel : la communication, la motivation, le leadership, etc.

La métamorphose des liens sociaux et affectifs dans les organisations, de même que les transformations du monde du travail, contribue aujourd'hui à la nécessité d'être soutenu par un mentor et, par le fait même, à la popularité de cette pratique (Houde, 2010). Depuis 2002, l'organisme sans but lucratif Mentorat Québec, une référence reconnue pour la promotion du mentorat au Québec, illustre l'intérêt grandissant pour ce type d'accompagnement dans les organisations.

Il y a une vingtaine d'années, la majeure partie de la littérature sur le mentorat était rédigée en langue anglaise. On avait alors recours au terme anglais mentoring pour nommer les actions d'appui désignées à présent sous le terme mentorat. Cette pratique s'est répandue dans de multiples contextes organisationnels francophones au fil des ans, et les mots mentor et mentoré, désormais acceptés par l'Office québécois de la langue française, qualifient les rôles joués par les individus impliqués dans une relation de mentorat. Les jumelages « mentor-mentoré » font maintenant partie des stratégies utilisées par les organisations publiques pour favoriser le développement de carrière des employés et faciliter la transmission des valeurs organisationnelles.

Les définitions du mentorat mettent en relief la multiplicité des aspects liés à cette pratique. Certains auteurs soulignent l'importance de la relation affective, de l'engagement et de la notion de réciprocité (Houde, 2010; Zachary, 2000). D'autres insistent sur le fait qu'il est facteur d'intégration, intimement lié au développement de carrière et source de bénéfices personnels et professionnels significatifs : consolidation de l'identité professionnelle, approfondissement de la confiance en soi, acquisition de compétences relationnelles et de leadership (Cohen, 1998; Guay et Lirette, 2004; Ragins et Kram, 2007).

Dans le contexte de l'administration publique, le mentorat se définit comme un mode d'accompagnement volontaire, une relation d'apprentissage temporaire fondée sur la réciprocité et le respect mutuel entre une personne expérimentée (le mentor) reconnue et crédible dans son milieu, capable d'écouter et de fournir de la rétroaction utile et une personne généralement plus jeune et moins expérimentée (le mentoré), ouverte à l'apprentissage, intéressée à son développement de carrière et capable de tirer profit des savoirs et des défis proposés par le mentor (Cuerrier, 2003a; Guay et Lirette, 2003).

Dans cette relation sans lien hiérarchique, le mentor partager sa vision, ses savoirs, son expertise et son réseau de contacts, et il soutient le mentoré dans son rôle et ses perspectives de développement professionnel, tout en améliorant ses propres compétences relationnelles. Le mentorat permet au mentoré de mieux s'intégrer à un nouvel environnement ou à une nouvelle fonction, de consolider son identité professionnelle à un moment clé de son cheminement et de saisir davantage les défis et les spécificités culturelles de son milieu de travail (Benabou, 1995; Guay et Lirette, 2003).

Le jumelage mentor-mentoré est lié de très près au succès de la relation mentorale. Qu'il se fasse de façon spontanée ou à partir d'une liste de personnes sélectionnées, il doit tenir compte des besoins du mentoré et des compétences du mentor. De plus, les rencontres doivent se dérouler sous le signe de la confidentialité, de l'écoute, de la souplesse et de l'engagement mutuel (Guay et Lirette, 2004).

Si pour certains le mentorat peut se dérouler dans un cadre non structuré et favoriser les relations naturelles ou les associations spontanées (mentorat informel), de multiples organisations et réseaux dans le secteur public proposent des programmes fondés sur des démarches structurées (mentorat formel), encadrés par des règles éthiques et de la formation, et appuyés par les hauts dirigeants de l'organisation (Guay, 1999; Guay et Lirette, 2004; Blanc et Cuerrier, 2007).

Ces programmes structurés, qui devraient constituer un complément aux autres pratiques de gestion des ressources humaines, peuvent cibler des clientèles précises (jeunes diplômés, hauts fonctionnaires, femmes en gestion ou intéressées à l'engagement politique) et poursuivre différents types d'objectifs, comme favoriser l'intégration à l'emploi de professionnels ou de fonctionnaires débutants, soutenir les capacités de leadership de nouveaux titulaires d'emplois supérieurs ou transmettre les valeurs de l'organisation.

À ces types de mentorat s'ajoute le cybermentorat ou mentorat virtuel, un modèle qui met à profit les nouvelles technologies de communication et qui donne aux participants une flexibilité géographique et temporelle (Légaré et Lajoie, 2003). Au Québec, le service de cybermentorat lié au programme Academos (appuyé par le Secrétariat à la jeunesse du gouvernement du Québec) offre la possibilité à des élèves du secondaire d'échanger par courriel avec des personnes expérimentées sur les réalités du milieu de travail. Selon Légaré, Grouzet et Lajoie (2007), le cybermentorat influencerait la motivation et la persévérance scolaires des jeunes, ce qui a récemment conduit une douzaine de collèges d'enseignement général et professionnel à offrir ce type d'accompagnement à leurs étudiants.

Dans le secteur public, les changements institutionnels, de même que les changements sociaux et démographiques des dernières années, ont renforcé les initiatives et les appuis gouvernementaux associés au mentorat (Blanc et Cuerrier, 2007; Guay, et Lirette, 2003 et 2004). Au gouvernement fédéral, le mentorat s'est intégré au paysage organisationnel avec pour objectif de tisser des liens intergénérationnels et des relations interministérielles, et d'encourager l'intégration de certains employés dans leurs nouvelles fonctions (Cuerrier, 2003b; Guay, 1999). Dans l'administration publique québécoise, des programmes formels ont été mis en œuvre dans plusieurs ministères et organismes non seulement pour faciliter l'intégration de professionnels et de jeunes diplômés, mais également pour soutenir les femmes et les titulaires d'emplois supérieurs dans l'exercice de leurs nouvelles responsabilités. Dans tous les cas, les responsables gouvernementaux soucieux de maximiser les retombées des programmes n'ont pas hésité à les encadrer par une formation appropriée (Guay, 1999; Guay et Lirette, 2004).

Les résultats d'une recherche réalisée en 2004, à la suite de l'implantation d'un programme gouvernemental sur le mentorat pour l'intégration de jeunes diplômés, soulignent à cet effet que la formation a permis aux participants de mieux saisir les enjeux, les exigences, les responsabilités et les plaisirs liés à l'exercice de leur rôle et, de ce fait, de vivre des relations mentorales plus gratifiantes (Guay et Lirette, 2004).

Pour accentuer davantage la rigueur et la réflexion sur le mentorat, des universitaires ont récemment mis sur pied un programme court de deuxième cycle sur le mentorat à l'Université du Québec à Montréal (UQAM). En plus de fournir les outils pertinents pour concevoir et implanter le mentorat dans les organisations, il vise le développement des compétences nécessaires pour ce faire.

Le mentorat est donc bien vivant dans l'administration publique. Les expériences structurées dans ce contexte indiquent à ce jour que c'est un moyen efficace et prometteur pour appuyer le développement professionnel et bâtir des solidarités intergénérationnelles utiles à l'administration publique de demain.

Bibliographie

Benabou, C. (1995). « Mentors et protégés dans l'entreprise : vers une gestion de la relation », Gestion, vol. 20, no 4, p. 18-24.

Blanc, M. et C. Cuerrier (2007). Le mentorat politique auprès des femmes, Montréal, Éditions du remue-ménage.

Cohen, N. H. (1998). Principles of Adult Mentoring Inventory (PAMI), Amherst, HRD Press.

Cuerrier, C. (2003a). Répertoire de base, Québec, Éditions de la Fondation de l'entrepreneurship, coll. Mentorat.

Cuerrier, C. (2003b). Le mentorat et le monde du travail au Canada : recueil des meilleures pratiques, Québec, Éditions de la Fondation de l'entrepreneurship, coll. Mentorat.

Guay, M.-M. (1999). Mentorat et développement de carrière : rapport de recherche, Montréal, Direction des Ressources humaines Canada.

Guay, M.-M. et A. Lirette (2004). Évaluation du programme gouvernemental de mentorat dans la fonction publique québécoise, Québec, Centre d'expertise en gestion des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du trésor.

Guay, M.-M. et A. Lirette (2003). Guide sur le mentorat pour la fonction publique québécoise, Québec, Centre d'expertise en gestion des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du trésor.

Houde, R. (2010). Des Mentors pour la relève, édition revue et augmentée, Québec, Presses de l'Université du Québec.

Légaré, C., F. M. E. Grouzet et J. Lajoie (2007). « Le cybermentorat vocationnel : une formule innovatrice pouvant contribuer à la motivation scolaire », Revue québécoise de psychologie, vol. 28, no 2, p. 125-138.

Légaré, C. et J. Lajoie (2003). « Academos, un programme de cybermentorat facilitant les choix de carrière », dans A. Taurisson et A. Sentenni (dir.), Les communautés de recherche à vocation éducative, Montréal, Presses de l'Université du Québec.

Ragins, B. R. et K. E. Kram (dir.) (2007). The Handbook of Mentoring at Work: Theory, Research and Practice, Los Angeles, Sage Publications.

Zachary, L. J. (2000). The Mentor's Guide: Facilitating Learning Relationships, San Francisco, Jossey-Bass Publishers.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Guay, M.-M. (2012). « Mentorat », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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