Services partagés (Shared Services)

Gisèle Gadbois, Maître d'enseignement
École nationale d'administration publique

gisele.gadbois@enap.ca

La notion de services partagés peut être définie comme une approche de gestion qui consiste, de manière générale, à une concentration d'activités opérationnelles, s'étendant à l'ensemble d'une organisation, afin de desservir de multiples partenaires internes en leur offrant à la fois des coûts plus bas et un accès à des niveaux élevés d'expertise techniques, et ce, dans le but commun de satisfaire les besoins des clients externes et d'accroître la valeur corporative (Schulman et autres, 1999, p. 9).

L'approche de gestion en services partagés réfère ainsi à la pratique d'une mise en commun d'un ensemble de services d'une organisation qui sont rendus, de façon similaire, dans plusieurs entités administratives (Quinn, Cooke et Kris, 2000, p. 11). Les services partagés représentent, en somme, des économies d'échelle par le regroupement d'activités (Pépin, 2004, p. 11) visant à maximiser l'efficacité par le partage, notamment, d'équipement, d'information et d'expertise. Selon l'étude de Dreyfuss (2010), il existe six principales raisons pour la mise en œuvre de services partagés : la réduction des coûts de production des services, l'efficience dans l'utilisation des ressources, la constance des processus établis, le maintien des standards de qualité, l'agilité à répondre aux besoins des clients et l'efficacité d'affaires (Dreyfuss, 2010, p. 5).

L'origine du concept de services partagés ne fait pas consensus. En effet, certains l'attribuent à la compagnie General Electric qui avait, aux États-Unis en 1986, un groupe nommé Client Business Services qui a servi de modèle à ce qui est appelé aujourd'hui les services partagés. Comme le mentionnent Quinn, Cooke et Kris (2000), d'autres consultants participant aux études conduites en 1990 par Bob Gunn de chez A.T. Kearney, auprès de compagnies telles que Ford, Johnson et Johnson, IBM, AT&T, Nynex, Digital, Dupont, Hewlett-Packard, Alcoa et Shell, ont démontré une caractéristique commune à l'ensemble de ces compagnies, soit la présence d'un type de services partagés d'opérations financières. Ce constat donne la légitimité aux consultants de l'équipe de Bob Gunn de réclamer la création du concept ou du moins l'idée de nommer ce type de fonctionnement, services partagés. Historiquement, deux éléments relatifs à l'origine du concept de services partagés sont assurés : sa création vient des États-Unis et sa première cible visée est l'ensemble des opérations financières (Quinn, Cooke et Kris, 2000, p. 20).

Traditionnellement, l'approche en services partagés a été davantage appliquée aux opérations financières. Toutefois, l'éventail des services pouvant être partagés s'est élargi au fil du temps (King, 2007, p. 13). Les services de soutien et d'expertise tels que les ressources humaines, les technologies de l'information, les acquisitions, les chaînes d'approvisionnement, la gestion documentaire, des services juridiques, la gestion des relations avec la clientèle sont venus enrichir les possibilités des services partagés (Pépin, 2004, p. 11).

Le secteur public semble être un des domaines les plus prometteurs pour l'expansion de cette approche. Des administrations publiques se sont inspirées des expériences des entreprises privées pour faire face, entre autres, au vieillissement des populations, à la demande accrue de services et au besoin de réduire les coûts d'opérations des gouvernements. À cet égard, l'approche des services partagés est devenue une question d'envergure internationale puisqu'elle permet aux organisations d'augmenter leur efficacité et leur agilité à s'ajuster à ce contexte tout en réduisant leurs coûts. Plusieurs administrations publiques ont entrepris de mettre en place des services partagés (Pépin, 2004, p. 8). C'est le cas, au Canada, pour la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Sur la scène internationale, les administrations publiques de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de la France, de l'Espagne, de l'Allemagne et de l'Australie (Pépin, 2004, p. 18) ont, entre autres, pris le virage vers ce modèle de gestion.

L'approche de services partagés dans les administrations publiques signifie que divers services, particulièrement de nature administrative, sont fournis selon un modèle de gestion particulier dans lequel les ministères et les organismes gouvernementaux (les clients) définissent leurs besoins en services, choisissent le niveau de services à partager, contrôlent le budget et payent pour les services qu'ils ont choisis (British Columbia, 2002, p. 2).

La philosophie de gestion en services partagés qui amène une division entre les responsabilités de gouvernance et les responsabilités relatives aux services opérationnels (ministère des Services gouvernementaux, 2005, p. 4) est un élément clé de ce modèle de gestion. Elle force les organisations publiques à revoir leurs stratégies (Hogan, 2007, p. 17) de production des services et à choisir de nouvelles approches adaptées pour fournir les services internes.

Les expériences au sein de diverses administrations publiques révèlent différents modèles de mise en œuvre de l'approche de gestion des services partagés. Certains modèles tendent à centraliser les services administratifs comme en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et en Grande-Bretagne. D'autres recourent à l'entreprise privée pour certains types de services. Certains modèles de gestion en services partagés maintiennent, au sein d'un ministère, l'administration et la gestion des services administratifs de soutien, alors que d'autres créent un nouvel organisme distinct voué à l'application du modèle de gestion (Pépin, 2003, p. 5).

La valeur de tout type de modèle de services partagés est de fournir des services à l'intérieur d'un modèle de gestion choisi, établissant des économies d'échelle que chaque ministère ou organisme client ne pourrait faire s'il agissait seul. Ce modèle de gestion représente un changement majeur de culture de service (ministère des Services gouvernementaux, 2005, p. 4) orientée vers la satisfaction des besoins des clients et la réduction de coûts.

Le choix d'un type particulier de modèle pour la mise en place de services partagés repose sur plusieurs considérations. Il exige, entre autres, une analyse qui tient compte des forces et des faiblesses de l'organisation, du cadre légal de fonctionnement, de la culture, de la structure administrative en place, de la clientèle à desservir et de la concentration géographique des entités (Pépin, 2003, p. 6). De plus, imposer ou non l'obligation, ou l'adhésion volontaire, des ministères et des organismes à participer à des services partagés demeure un choix pour chaque administration publique. La plupart des provinces canadiennes, par exemple, ont adopté une approche obligatoire pour trois ans seulement alors que dans les États de l'Australie, tous les organismes devaient participer à au moins un centre de services partagés pour les services transactionnels désignés par les autorités (ministère des Services gouvernementaux, 2005, p. 25).

Les services partagés offrent aux administrations publiques une occasion de réduire les frais d'exploitation et d'augmenter le niveau d'expertise relatif aux services administratifs. En fait, le modèle de gestion en services partagés contribue à diminuer les dédoublements inhérents aux fonctions de soutien administratif dans chaque ministère et organisme et à augmenter l'efficience de l'administration publique (Quinn, Cooke et Kris, 2000, p. 216).

Le caractère unique des administrations publiques présente des enjeux particuliers et spécifiques au concept de services partagés (Pépin, 2004, p. 22). Il exige le soutien des autorités politiques et administratives, une mobilisation importante tant du personnel que des partenaires et une stratégie de mise en œuvre qui tient compte de la réalité et de la capacité des ministères et des organismes gouvernementaux. Il s'agit là d'un véritable changement de paradigme (ministère des Services gouvernementaux, 2005, p. 149) pour les administrations publiques et d'un défi de taille. Les services partagés fournissent la possibilité d'une offre de service standardisée que l'évolution des technologies soutiendra favorablement. Les administrations publiques qui ont mis en œuvre des modèles de gestion en services partagés considèrent cette approche comme un outil essentiel à l'atteinte de leurs objectifs (Pépin, 2004, p. 22).

Bibliographie

British Columbia. Ministry of Management Services (2002). About BC's Shared Services, www.llbc.leg.bc.ca/public/pubdocs/bcdocs/356809/bcshared_services.pdf (page consultée le 16 février 2010).

Comhaire, E. (2007). « Debate: Centralized or Shared? », Shared Services News, vol. 9, no 5, p. 20-21.

Dreyfuss, C. (2010). Shared-Service Center: A Marketing Approach to Drive Business Value, Gartner Research.

Hogan, S. (2007). « Survey: Next Generation Shared Services », Shared Services News, vol. 9, no 5, p. 17-19.

King, P. (2007). « 2007 Update, Shared Services Location », Shared Services News, vol. 9, no 5, p. 13-16.

Ministère des Services gouvernementaux (2005). Une stratégie de services partagés au gouvernement du Québec, www.cspq.gouv.qc.ca/documents/centre/cspq/strategie.pdf (page consultée en février 2010).

Pépin, J.-R. (2004). Les services partagés : des avantages mais aussi des efforts, Groupe de travail sur l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif aux ministères et aux organismes, Québec, gouvernement du Québec.

Pépin, J.-R. (2003). Le Centre des services administratifs du Gouvernement du Québec : type d'organisation, proposition de structure et plan de mise en place, Groupe de travail sur l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif aux ministères et aux organismes, Québec, gouvernement du Québec.

Quinn, B., R. Cooke et A. Kris (2000). Shared Services, Mining for Corporate Gold, Londres, Prentice Hall.

Schulman, D. S. et autres (1999). Shared Services, Adding Value to the Business Units, New York, Toronto, John Wiley & Sons.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Gadbois, G. (2012). « Services partagés », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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