Nicolas Charest, Coordonnateur à la veille
École nationale d'administration publique

nicolas.charest@enap.ca

La veille se définit comme un processus formel organisé de recueil, d'analyse et de diffusion d'information à valeur ajoutée pour appuyer la prise de décision.

Plusieurs définitions existent pour cerner la notion de veille. La plus connue, à tout le moins dans le monde francophone, est sans doute celle proposée par l'Association française de normalisation (AFNOR) qui décrit la veille comme une : « Activité continue et en grande partie itérative visant à une surveillance active de l'environnement technologique, commercial, etc., pour en anticiper les évolutions » (AFNOR, 1998, p. 6). Elle a le mérite de mettre de l'avant les idées de continuité et d'itération, dimensions qui contribuent à assurer la pérennité d'une activité de veille dans une organisation. Elle souligne également la notion d'anticipation qui devrait découler de toute activité de veille. L'implantation d'une veille dans une organisation diminue l'incertitude face à l'environnement, facilite la prise de décision et contribue à l'élaboration de la planification de l'organisation.

L'origine : d'hier à aujourd'hui

Certains auteurs font remonter l'origine de la veille très loin dans l'histoire. Ainsi, des auteurs en font mention aussi tôt que 500 ans avant J.-C., comme Sun Tzu, dans son ouvrage L'art de la guerre, où il souligne l'aspect essentiel de la surveillance de l'environnement dans une perspective militaire (Juhari et Stephens, 2006, p. 66). Dans le secteur privé, la veille, ou la surveillance de la concurrence, remonte au début du XXe siècle; elle était alors sous la responsabilité des départements de marketing (Juhari et Stephens, 2006, p. 72). Aujourd'hui, la fonction de veille constitue une composante indispensable pour une entreprise privée, au même titre que la planification stratégique ou la gestion des ressources (Balmisse et Meingan, 2008, p. 17). Le portrait est différent dans le secteur public. L'introduction d'activités de veille au sein d'organismes publics est plus récente, mais s'étend rapidement : les gouvernements possédant des cellules de veille sont de plus en plus nombreux (Conference Board du Canada, 2008, p. 2). Certaines sont plus connues comme le Réseau de veille intégrée sur les politiques publiques du gouvernement du Québec, le Centre d'analyse stratégique (France) ou le Futurewatch program (Nouvelle-Zélande) et le Foresight project (Royaume-Uni). Ces deux derniers organismes effectuent une veille sectorielle axée sur la science et la technologie (Conference Board, 2008).

Le cycle de la veille

La définition proposée en entrée se caractérise par la détermination des grandes étapes de la veille : le recueil, l'analyse ainsi que la diffusion et l'archivage. Ces étapes doivent toutefois être précédées d'une phase d'analyse des besoins de l'organisation en matière d'information, de moyens de diffusion et d'accès à l'information. Aussi, pour guider le recueil de l'information et éviter une surabondance d'information (ou une insuffisance), l'organisation définit ses cibles de veille et opère une sélection de sources fiables.

Recueil : Il s'agit de l'étape où l'information qui apparaît utile pour l'organisation est collectée. Durant cette étape, l'utilisation d'outils de recherche est nécessaire, notamment pour repérer l'information sur le Web. Quoiqu'Internet ne constitue pas la seule source de renseignements, les sources formelles et informelles sont à considérer. Par ailleurs, les informations dites grises (documents à diffusion restreinte pour un public ciblé et présentant un caractère d'exclusivité élevé) et les informations blanches (accessibles gratuitement à tous) sont les deux types d'information recherchés par un système de veille. L'information noire, inaccessible légalement, demeure exclue du périmètre de la veille.

Analyse : Cette étape permet de distinguer l'information utile pour l'organisation. Il faut retenir les informations pertinentes et les valider, les épurer (distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire), classer les informations retenues, les analyser à l'aide d'outils (carte heuristique, fiche, tableau, matrice menaces/opportunités et forces/faiblesses, etc.) et, finalement, établir des liens entre elles.

Diffusion et archivage : Lors de cette phase, il faut définir des moyens de diffusion pertinents. Comme le dit Michael Porter, la veille a comme objectif de : « donner la bonne information, à la bonne personne, au bon moment, pour prendre la bonne décision » (Rouach, 1996, p. 7-8). Le choix de la forme et du moment de la diffusion influencera l'appropriation de l'information par les membres de l'organisation. Enfin, si l'archivage des produits de veille demeure une étape peu traitée dans la littérature, il participe néanmoins à l'intelligence collective et à la gestion des connaissances d'une organisation.

Pour conclure le cycle, l'organisation doit prévoir une boucle de rétroaction qui permet aux utilisateurs de donner leur point de vue sur le cycle de la veille pour ainsi apporter des correctifs et des ajustements.

Les enjeux

Bien implantée dans les entreprises privées, l'activité de veille apparaît plus fragile dans les administrations publiques où elle constitue une victime potentielle des compressions budgétaires qui s'exercent dans les organisations publiques. Dans ce contexte, le maintien et la pérennité de la veille au sein du secteur public constituent un enjeu de taille.

En outre, l'apparition du Web 2.0, caractérisé notamment par la multiplication de blogues et de contenu créés par les internautes, pose plusieurs défis aux veilleurs. À titre d'exemple, il est utile de citer la surabondance d'informations et les difficultés liées à la validation des renseignements recensés.

Enfin, la tendance actuelle, désignée sous le vocable open government, qui vise à accroître la transparence des administrations publiques par la diffusion publique d'un grand nombre de données, pose également des défis aux veilleurs. Cette tendance induit une croissance fulgurante des renseignements facilement accessibles, généralement fiables et qui peuvent alimenter favorablement une activité de veille, mais dont il est nécessaire de gérer correctement l'afflux.

Bibliographie

AFNOR (1998). Prestations de veille et prestations de mise en place d'un système de veille, Paris, AFNOR.

Balmisse, G. et D. Meingan. (2008). La veille 2.0 et ses outils, Paris, Lavoisier.

Conference Board du Canada (2008). Horizon Scanning: Gathering Research Evidence to Inform Decision Making, Ottawa, Conference Board du Canada.

Juhari, A. S. et D. Stephens (2006). « Tracing the Origins of Competitive Intelligence trough History », Journal of Competitive Intelligence and Management, vol. 3, no 4, p. 61-82.

Rouach, D. (1996). La veille technologique et l'intelligence économique, Paris, Presses universitaires de France.

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Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Charest, N. (2012). « Veille », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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