Prestation de services publics (Public Service Delivery)

David Clark, Professeur retraité
Winchester Business School

clarkfam@talktalk.net

Depuis de nombreuses années, pays développés et pays en voie de développement expriment le désir d'améliorer la prestation de leurs services publics, qu'ils soient assurés par les gouvernements (locaux, municipaux ou nationaux) ou délivrés en leur nom. La présente définition traite des efforts consentis, et qui le sont encore, en vue d'améliorer la prestation des services publics au sein des pays membres de l'OCDE.

La prestation de ces services a toujours impliqué la participation d'acteurs non gouvernementaux. En fonction du patrimoine institutionnel et culturel spécifique à chaque pays concerné, il existe un mélange particulier, parfois très complexe, d'ententes sur le plan du financement et de la prestation. Ces ententes encadrent des services qui sont directement offerts par les organisations du secteur public et d'autres dont les coûts sont défrayés par les deniers publics, mais dont la prestation est sous la responsabilité d'entreprises privées ou communautaires travaillant sous contrat pour le gouvernement. Ainsi, la réforme des services publics est « dépendante du chemin parcouru » (Pierson, 1994). Cependant, depuis la seconde moitié des années 1980, le réalignement idéologique néolibéral a entraîné un nouveau partage des responsabilités dans le domaine de la prestation des services publics entre les organisations des secteurs public, privé et communautaire, tout en instaurant de nouvelles définitions de l'étendue et de la nature des droits des citoyens en matière de services publics.

Bien que le manque de coordination entre les organismes publics demeure depuis le début une préoccupation importante, les efforts en vue de l'amélioration de la prestation des services publics dans les pays de l'OCDE ont progressivement changé d'orientation et d'intensité. Alors que dans le contexte traditionnel de l'État-providence d'après 1945 on visait d'abord l'amélioration de la performance administrative des organisations gouvernementales (la satisfaction des attentes du public sur le plan de l'égalité et de la justice dans l'application des règles et des procédures, l'assurance de la probité dans l'utilisation des fonds publics), depuis 1980, on assiste à l'avènement de nouvelles valeurs de gestion des services publics (l'optimisation des ressources, l'innovation, le service à la clientèle). Le premier souci réside désormais dans l'amélioration de la performance de gestion des organisations de services publics. En général, la « managérialisation » issue du nouveau management public (NMP) implique un certain nombre de ruptures : le démantèlement de grandes bureaucraties monolithiques en unités séparées, l'accroissement du pouvoir des administrations locales grâce au contrôle des budgets, l'accentuation du style de gestion emprunté au secteur privé, avec des normes explicites et des mesures de performance liées aux résultats, l'accroissement de l'externalisation et de la concurrence dans la prestation de services publics et l'amélioration de la réactivité aux usagers des services publics par le truchement de diverses initiatives les considérant comme des consommateurs d'une industrie de services (Aucoin, 1990; Hood, 1991; Le Grand, 2007).

Dans de nombreux pays membres de l'OCDE, la réforme de la gestion des services publics est un thème politique majeur; les divers partis font, auprès de leurs électeurs, la promotion active de programmes ambitieux de renouvellement, de réinvention ou de modernisation des services publics. Le caractère programmatique de la réforme des services publics est particulièrement prononcé dans les pays anglo-saxons (Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) où la réforme s'étend au-delà de l'habilitation des gestionnaires locaux et de l'innovation technologique dans la prestation de services[1] tout en s'appuyant sur un élargissement des possibilités de choix et de la concurrence en tant que mécanismes destinés à améliorer ces prestations. Un des dénominateurs communs de ces programmes est le fait qu'ils soient associés à de nouveaux arrangements organisationnels, dont des partenariats avec d'autres paliers de gouvernement et des secteurs non gouvernementaux, en vue d'améliorer la prestation des services. Malgré cela, les écrits scientifiques mettent en évidence les variations nationales dans l'appropriation des mesures réformatrices du NMP (Pollitt et Bouckaert, 2004).

Il ne faudrait pas tenir pour acquis qu'il existe une relation directe entre le niveau d'engagement programmatique dans la modernisation des services publics et l'amélioration vérifiable de la prestation des services publics. Cela a été démontré par Pollitt (2007) dans son analyse des conséquences des nombreuses restructurations d'envergure du National Health Service britannique (NHS), un cas de figure inhabituel par la rapidité et l'intensité des réingénieries répétées de l'organisation. Nonobstant les difficultés techniques représentées par l'évaluation du changement à une échelle aussi large et les coûts de transition entraînant au minimum une baisse temporaire de la qualité des services, une des conséquences majeures de la série de réformes est la perte de confiance généralisée dans la stabilité du système, accompagnée d'une baisse de la loyauté au sein de l'institution. Cette impression de discontinuité peut exacerber les tensions entre les cadres et le personnel professionnel et s'étendre ensuite jusqu'aux usagers des services, pour lesquels les changements perpétuels peuvent facilement devenir une sorte de bruit de fond, n'amenant ni espoir ni intérêt particuliers, mais générant plutôt une crainte que la dernière réforme puisse se révéler une simple compression dissimulée (Pollitt, 2007).

Les travaux de Pollitt et d'autres chercheurs montrent que les initiatives de modernisation liées à une mode passagère échouent inéluctablement à résoudre les dilemmes persistants dans les efforts de réorganisation des services publics (Hood, 1998; Hood et Jackson, 1991; Pollitt et Bouckaert, 2004). Par exemple, dans le cas du NHS, les ministres et leurs conseillers ont dû faire de nombreux compromis entre la centralisation (d'un service national) et la flexibilité de la gestion locale, entre l'expertise professionnelle et le contrôle politique, entre l'égalité d'accès et l'efficacité, ainsi qu'entre la qualité et la viabilité financière. Le résultat est une tendance à passer d'un extrême à l'autre une fois que les aspects négatifs des compromis d'une position deviennent évidents pour les médias de masse et pour le public (Pollitt, 2007).

Il est clair que la population du Royaume-Uni croit de moins en moins que l'approche descendante et programmatique de l'amélioration de la prestation des services publics conduite à un rythme accéléré ait permis d'atteindre une solution innovatrice et durable. Les critiques de cette réforme attribuent son échec à une démarche mal adaptée de la gestion du changement. Maddox (2008) Le constate une tension entre ceux qui demeurent convaincus que la restructuration et les modèles d'affaires basés sur l'efficacité entraînent une amélioration du service et ceux qui croient que les améliorations dépendent des relations unissant le personnel de première ligne et les communautés locales (ce qui implique de nouvelles formes de leadership des services publics locaux). L'auteure prétend que la prédilection pour les vastes projets de réingénierie récompense les cadres locaux sympathiques à la culture de gestion de la performance et aux objectifs du gouvernement central, tout en marginalisant ceux, souvent des femmes, qui jouissent d'une grande expérience dans l'établissement de réseaux et dans la communication avec les communautés locales.

Il serait bien, suggère Pollitt (2009), que les partis politiques du Royaume-Uni qui s'activent actuellement les uns contre les autres pour améliorer la prestation des services publics, considèrent la possibilité de changements à plus petite échelle, plus modulaires plutôt que de continuer à préconiser de nouveaux bouleversements d'envergure.

Bibliographie

Aucoin, P. (1990). « Administrative Reform in Public Management: Paradigms, Principles, Paradoxes and Pendulums », Governance, vol. 3, no 2, p. 115-137.

Hood, C. (1998). The Art of the State: Culture, Rhetoric and Public Management, Oxford, Clarendon Press.

Hood, C. (1991). « A Public Management for All Seasons? », Public Administration, vol. 69, no 1, p. 3-19.

Hood, C. et M. Jackson (1991). Administrative Argument, Aldershot, Dartmouth.

Le Grand, J. (2007). The Other Invisible Hand: Delivering Public Services through Choice and Competition, Princeton, Princeton University Press.

Maddox, S. (2008). Next Steps for Local Democracy: Leadership, Accountability and Partnership, www.nlgn.org.uk/public/wp-content/uploads/next-steps-for-local-democracy.pdf (page consultée en février 2010).

Pierson, P. (1994). Dismantling the Welfare State? Reagan, Thatcher, and the Politics of Retrenchment, Cambridge, Cambridge University Press.

Pollitt, C. (2009). « Structural Change and Public Service Performance: International Lessons? », Public Money and Management, vol. 29, no 5, p. 285-291.

Pollitt, C. (2007). « New Labour's Re-disorganisation », Public Management Review, vol. 9, no 4, p. 529-543.

Pollitt, C. et G. Bouckaert (2004). Public Management Reform, Oxford, Oxford University Press.


[1] Gouvernement électronique : l'emploi croissant des technologies de l'information dans la prestation des services publics est au cœur de telles innovations. En Europe et en Amérique du Nord, le développement et la gestion des technologies de l'information constituent des dimensions importantes de l'implication du secteur privé, par l'entremise de partenariats public-privé, dans le financement et la mise sur pied des infrastructures et des actifs publics.

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Reproduction
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Pour citer
Clark, D. (2012). « Prestation de services publics », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)