Horizontalité (Horizontality)

Guy Chiasson, Professeur
Université du Québec en Outaouais
guy.chiasson@uqo.ca
Avec la collaboration de Victor Ntezirembo

L'horizontalité est une approche de partage de décision qui favorise la synergie de plusieurs acteurs ou institutions dans la gestion concrète et efficiente des projets, sans qu'il y ait un rapport hiérarchique entre ces acteurs ou institutions, en donnant la priorité aux relations entre les dirigeants et les dirigés, notamment la société civile et l'État, tous travaillant dans l'intérêt général de la communauté.

Depuis quelques décennies, le concept d'horizontalité occupe une place de choix autant dans le discours des chercheurs en administration publique que dans celui des gestionnaires publics eux-mêmes (Bourgault et Lapierre, 2000). Les recherches de Bakvis et Juillet (2004) et de Bourgault et Lapierre (2000) indiquent que l'horizontalité renvoie à une approche de la gestion publique qui se veut plus concertée et par conséquent moins fragmentée. Si le recours au concept d'horizontalité est relativement récent, la préoccupation pour une plus grande coordination dans la gestion publique n'est pas chose nouvelle. Herman Bakvis et Luc Juillet (2004, p. 10 et s.) notent que dans le contexte du gouvernement fédéral canadien, les efforts pour assurer une meilleure intégration remontent à la Confédération de 1867. Pendant longtemps, ce sont des organismes centraux de la bureaucratie fédérale (le Cabinet, le Conseil du Trésor, etc.) qui jouent ce rôle de coordination interministérielle. La fin des années 1990 et les années 2000 marquent cependant un autre temps fort de la construction de structures et la mise sur pied d'initiatives visant l'horizontalité.

Le discours sur l'horizontalité dépasse largement le gouvernement fédéral canadien. Une étude de l'OCDE (1997, cité dans Bourgault, 2002, p. 15) explique que « [t]ous les pays membres souhaitent améliorer la coordination horizontale et verticale et adopter des mesures plus efficaces de collaboration entre niveaux d'administration ». Dans la plupart des pays occidentaux, l'horizontalité s'impose comme l'une des voies prioritaires de modernisation de la gestion publique (Bakvis et Juillet, 2004; Sproule-Jones, 2000). La majorité des auteurs semble s'entendre sur les circonstances à l'origine de l'intérêt récent des administrations publiques (et des chercheurs) pour l'horizontalité. L'étude de l'OCDE citée précédemment énonce la volonté de maîtriser les coûts comme étant une de ces raisons.

Mais le rationnel derrière l'horizontalité ne saurait se limiter au simple contrôle des dépenses publiques. Il est également lié, depuis les années 1980, à l'incapacité grandissante de la gestion publique « en silo » (gestion de type wébérien) de répondre adéquatement à la complexité des problèmes des sociétés contemporaines. Plusieurs en appellent à une plus grande collaboration entre les divers ministères et agences des administrations publiques et considèrent l'horizontalité comme une formule mieux adaptée aux enjeux des sociétés contemporaines que la « gestion en silo » (Bourgault, 2002).

Il s'agit là de l'une des modalités majeures de l'horizontalité, c'est-à-dire la coordination entre plusieurs organes d'une même administration publique. Les quatre cas étudiés par Bakvis et Juillet (2004) sont des initiatives dans lesquelles on a tenté de mieux arrimer les efforts de plusieurs organismes fédéraux par rapport à une problématique précise. Dans le quatrième cas, le rapprochement inclut également la province de la Colombie-Britannique et la Ville de Vancouver, montrant que pour ces auteurs l'horizontalité peut aussi prendre la forme d'une concertation entre plusieurs paliers de gouvernement. Les nombreuses études de cas regroupées par Bourgault (2002) permettent d'élargir encore plus la portée du concept d'horizontalité pour inclure des initiatives de concertation impliquant des acteurs de la société civile.

La définition qui se dégage de ces travaux est assez peu discriminante du point de vue des acteurs impliqués. Elle laisserait place à des initiatives qui cherchent à passer outre à trois frontières traditionnelles de la gestion publique : la frontière administrative entre les différents organes d'une administration publique, la frontière entre ordres de gouvernement et finalement la frontière entre gouvernants et gouvernés.

La définition de l'horizontalité semble flexible sur le plan du degré d'engagement de la collaboration horizontale. À cet effet, Bourgault (2002) présente neuf formes génériques de la gestion horizontale : le partage d'information, la consultation, la concertation, la coordination, la mise en commun des ressources matérielles et d'expertise, les partenariats de complémentarité, les actions conjointes, l'intervention intégrée des mandants verticaux et l'intervention intégrée d'interventions en situation d'autonomie.

Un défi de cette conceptualisation large et flexible de l'horizontalité réside dans la difficulté de la distinguer nettement d'autres formes de coopération caractérisées par les sciences sociales. On pense particulièrement à la gouvernance, qui à l'instar de l'horizontalité cherche à comprendre l'espace de collaboration entre acteurs privés, publics et associatifs (Theys, 2003), ou encore à la collaboration entre acteurs publics à une multiplicité de niveaux (Hooghe et Marks, 2001).

Une différence, si mince soit-elle, permet tout de même de singulariser les travaux sur l'horizontalité, à savoir celle de s'intéresser en priorité aux différents acteurs internes à la bureaucratie et à leur rapport entre eux. Dans cette perspective, les travaux de recherche sur l'horizontalité pourraient être considérés comme un complément important à l'étude de la gouvernance souvent plus centrée sur les rapports entre acteurs publics (comme un ensemble) et privés.

Dans leur analyse, Bourgault et Lapierre (2000) ont décelé les avantages et les inconvénients de l'approche horizontale. Du côté positif, ils citent entre autres l'accroissement de l'efficience par la synergie, le partage des coûts et la complémentarité; l'efficacité accrue par des analyses plus complètes et la réduction des conflits de neutralisation mutuelle; la légitimation de l'image publique auprès des citoyens; l'accroissement de la motivation des employés.

De l'autre côté, les deux auteurs remarquent que la gestion horizontale n'est pas la panacée. Parmi les limites principales, on note sa difficulté à s'imposer face aux pesanteurs du modèle sectoriel et le défi constant que représente le fait de mettre des intérêts opposés en coordination. Bakvis et Juillet (2004) ont également montré à quel point l'horizontalité exige des efforts importants de même que du temps. Toute horizontalité réussie doit donc s'appuyer sur un engagement ferme des participants, y compris celui des acteurs au sommet de la hiérarchie. Malgré l'engouement qu'elle soulève dans le discours réformiste, l'horizontalité reste toujours difficile à atteindre.

Bibliographie

Bakvis, H. et L. Juillet (2004). Le défi de l'horizontalité : ministères responsables, organismes centraux et
leadership
, Ottawa, École de la fonction publique du Canada.

Bourgault, J. (2002). Horizontalité et gestion publique : questions, aperçus et exemples, Québec, Presses de l'Université Laval.

Bourgault, J. et R. Lapierre (2000). Horizontalité et gestion publique, Ottawa, Centre canadien de gestion.

Hooghe, L. et G. Marks (2001). Multi-Level Governance and European Integration, Lanham, Rowman and
Littlefield.

Sproule-Jones, M. (2000). « Horizontal Management: Implementing Programs Across Interdependent Organizations », Administration publique du Canada, vol. 43, no 1, p. 93-109.

Theys, J. (2003). « La gouvernance entre innovation et impuissance : le cas de l'environnement », Développement durable et territoires, Dossier 2 : Gouvernance locale et développement durable, novembre.

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Reproduction
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Pour citer
Chiasson, G. avec la collaboration de V. Ntezirembo (2012). « Horizontalité », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)