Contrôle (Control)

Marie-Soleil Tremblay, Professeure
École nationale d'administration publique

marie-soleil.tremblay@enap.ca

Le contrôle est une procédure mise en œuvre en vue de s'assurer de l'exactitude d'un enregistrement, du bon fonctionnement d'une structure, d'un service ou d'un système.

Dans l'histoire de la théorie des organisations, Anthony (1965) a initialement décrit le contrôle de gestion comme étant : « [] le processus par lequel les responsables s'assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience dans l'accomplissement des objectifs de l'organisation ». Les systèmes de contrôle sont donc un ensemble de procédures visant à augmenter la probabilité de respect des objectifs de l'organisation (Flamholtz, 1979). Au sens plus large, la notion de contrôle a été décrite comme une route, une influence créatrice d'ordre ou d'une certaine régularité (Chiapello, 1996). Cette dernière définition reconnaît que les contrôles peuvent être administratifs, sociaux ou provenir des individus eux-mêmes (autocontrôle). Ces deux derniers types de contrôles sont cependant moins visibles.

Pour l'administration publique qui doit mettre en place des stratégies découlant des orientations politiques qui lui sont transmises, tout en respectant un cadre financier et juridique prédéfini, les modes de contrôles administratifs sont soit externes soit internes à un ministère ou un organisme public, et peuvent être envisagés en lien avec le moment de leur exécution, soit ex ante ou ex post.

Lorsque ces contrôles sont en amont des opérations, ils sont nommés ex ante. Ceux-ci peuvent ralentir les opérations dans la mesure où ils ne sont pas suffisamment automatisés. Parmi ces contrôles, existent les processus de contrôle budgétaire, les activités menées par les commissions parlementaires en lien avec l'étude des crédits, les activités de surveillance conduites par le contrôleur des finances et plusieurs contrôles internes mis en place par les ministères et les organismes conformément aux responsabilités législatives qui leurs sont confiées.

Les contrôles ex post se produisent normalement après une prise de décision et ne ralentissent pas la cadence des opérations, conformément aux principes de la nouvelle gestion publique. Les objectifs de ces contrôles sont donc liés à la réparation de dommages, mais également au processus d'apprentissage, et visent à réduire la répétition d'erreurs à l'avenir. Parmi ces contrôles, divers mécanismes externes existent, notamment la vérification législative ou externe, le Protecteur du citoyen ainsi que les mécanismes de reddition de comptes prévus par les obligations d'imputabilité. Les pressions que peuvent exercer les citoyens et les médias au sujet de certaines opérations peuvent également constituer une forme de contrôle ex ante. À l'interne, lorsque les opérations sont classées en fonction de leurs risques, les contrôles ex post sont appliqués aux opérations moins ou peu risquées, alors que la vérification interne devrait normalement se pencher sur les opérations plus à risque.

Les limites des contrôles sont liées à la présence du facteur humain, ce qui implique nécessairement qu'il peut y avoir erreur de jugement. Les décisions sont prises en un temps limité et en fonction des données disponibles qui sont parfois incomplètes. Les contrôles informatiques des opérations routinières et à haut volume limitent les risques de cette nature, mais lorsque les contrôles sont manuels, une mauvaise compréhension de la tâche ou l'absence de formation adéquate peut nuire à leur efficacité. Le contrôle ne peut donc pas être plus efficace que les personnes responsables de sa mise en œuvre. Le risque de contournement d'un contrôle, par des dirigeants ou des employés cherchant à réaliser un profit personnel, peut être diminué par une simple séparation des tâches. Il demeure toutefois possible puisque la collusion entre plusieurs individus peut dissimuler certains gestes, limitant ainsi l'efficacité des contrôles en place.

Enfin, les ressources étant limitées, les gestionnaires et les administrateurs devraient avant tout s'assurer que les coûts de mise en place et de maintien d'un contrôle sont inférieurs aux avantages relatifs procurés par son implantation et aux avantages générés. C'est ainsi que l'évaluation du risque, bien que subjective, et du coût de mise en place d'un contrôle permet de limiter les contrôles excessifs. Cette réduction des contrôles excessifs est l'enjeu principal des orientations futures dans ce domaine et sa réussite passera par une participation intrinsèque des dirigeants de l'entreprise. En effet, l'examen des précédents contrôles internes et externes met en évidence le fait que les divers intervenants ont un rôle à jouer pour dépister les failles des contrôles internes, alors que les responsables des activités subissent en quelque sorte ces contrôles. Une approche axée davantage sur l'évaluation des risques responsabilise ces intervenants en les intégrant à l'étape de détermination des risques et, pour gérer ceux-ci de façon convenable, à celle d'identification des contrôles à mettre en place. Il faut cependant reconnaître que dans une culture où le politique cherche à éviter le blâme (Hood, 2007), tout devient risque, ce qui limite les réductions éventuelles en matière de contrôle.

Faisant écho à cette critique, Power (2004) reconnaît que les systèmes de contrôle internes posent de graves problèmes. Non seulement il est difficile de déterminer leur efficacité qui reste en principe inconnue, mais ce qui importe davantage, c'est qu'une obsession croissante quant aux contrôles internes peut comporter en soi un risque accru. D'abord, les systèmes de contrôle internes sont des prévisions organisationnelles de contrôlabilité qui peuvent être mal conçues; la fiabilité de tels systèmes dépend de l'imagination de ceux qui les ont pensés. Ensuite, les systèmes de contrôle internes se sont tournés essentiellement vers l'intérieur et peuvent donc contenir des hypothèses erronées quant aux questions sur lesquelles le public veut être rassuré.

Alors qu'anciennement, les contrôles de l'État visaient à assurer une conformité absolue entre les lois et les règlements et leur application, le concept actuel de gestion des risques vise davantage la sélection des contrôles à implanter en fonction de la probabilité qu'un événement se produise et de son impact sur les activités d'un ministère ou d'un organisme. Ce nouveau modèle de contrôle s'éloigne de la méfiance fondamentale envers la direction pour devenir un système qui la valorise et qui s'attend à ce qu'elle prenne des risques calculés et des décisions fondées sur des attentes déterminées. Cependant, les gestionnaires du secteur public doivent périodiquement rendre compte aux citoyens de l'utilisation honnête et efficace de leurs taxes et doivent habituellement respecter des normes plus élevées de probité financière que les gestionnaires du secteur privé. Dans le secteur public, les gestionnaires tolèrent habituellement moins les risques et, à juste titre, la mauvaise gestion financière. Selon l'OCDE (2005), une poignée de pays ont tenté d'intégrer une gestion appropriée des risques dans leurs systèmes de contrôle et de responsabilité, mais l'expérience est plutôt limitée et les leçons à en tirer sont actuellement peu nombreuses.

Bibliographie

Anthony, N. (1965). Planning and Control Systems: A Framework for Analysis, Boston, Harvard University.

Chiapello, E. (1996). « Les typologies des modes de contrôle et leurs facteurs de contingence : un essai d'organisation de la littérature », Comptabilité-Contrôle-Audit, vol. 2, no 2, p. 51-74.

Flamholtz, E. (1979). « Organizational Control Systems as a Managerial Tool », California Management Review, vol. 22, no 2, p. 50-59.

Hood, C. (2007). « What Happens When Transparency Meets Blame-Avoidance? », Public Management Review, vol. 9, no 2, p. 191-210.

OCDE (2005). Policy Brief - Public Sector Modernisation: Modernising Accountability and Control, www.oecd.org/dataoecd/14/45/39044829.pdf (page consultée en mars 2010).

Power, M. (2004). The Risk Management of Everything: Rethinking the politics of uncertainty, London, Demos.

_________________________

Reproduction
La reproduction totale ou partielle des définitions du Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique est autorisée, à condition d'en indiquer la source.

Pour citer
Tremblay, M.-S. (2012). « Contrôle », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

Vous êtes ici : Dictionnaire > Index > Index par auteur