Comptabilité (de caisse et d'exercice) (Accounting (cash basis and accrual basis))

Lucie Rouillard, Professeure retraitée
École nationale d'administration publique

lucie.rouillard@me.com

La comptabilité publique est une méthode conçue pour présenter la situation financière d'un gouvernement. Cette méthode est constituée d'un ensemble de normes utilisées pour déclarer les revenus et les dépenses du gouvernement durant un exercice donné et pour présenter sa situation financière globale à une date précise.

Les références à la comptabilité publique remontent à la nuit des temps et sont présentes tant dans les pratiques des royaumes de Chine et d'Inde que dans celles des gouvernements d'Athènes dans l'ère préchrétienne. On trouvait déjà, à cette époque, des mécanismes de contrôle qui permettaient l'enregistrement des transactions financières et une reddition de comptes au souverain pour le prémunir contre les pertes et les fraudes. Les premières phases de l'évolution du système comptable se caractérisent par un effort de codification du système d'enregistrement des transactions, tel qu'on le voit émerger du XVIe au XVIIIe siècle. Par la suite, les états financiers gouvernementaux serviront de dispositifs de contrôle des deniers publics au profit d'un nouveau maître, la population souveraine. Le champ d'action et les responsabilités des gouvernements se décupleront et cette nouvelle complexité se reflétera dans les méthodes de comptabilisation publique. De plus en plus, la population recherchera une information utile, touchant moins ce que le gouvernement a collecté, dépensé ou emprunté, que la façon dont il a dépensé les ressources qui lui ont été confiées (Premchand, 1995, p. 46). C'est cette évolution qui explique la constante mutation des normes comptables gouvernementales au cours des dernières décennies.

Différentes conventions comptables ont été utilisées par les gouvernements pour présenter leur situation financière. D'un côté, la comptabilité de caisse implique que les revenus et les dépenses sont constatés (enregistrés) lorsque des sommes sont encaissées ou décaissées. Cette méthode est appropriée si les transactions enregistrées visent à mesurer les flux de trésorerie du gouvernement. À l'inverse, une comptabilité d'exercice signifie que les revenus et les dépenses sont constatés au moment où ils sont gagnés ou engagés, peu importe la date de l'encaissement ou du paiement (Bhatta, 2006, p. 7 et 82). Cette méthode sert plutôt à mesurer le flux des ressources économiques du gouvernement (ou le coût des services qu'il a rendus).

Depuis plusieurs décennies, les normes comptables applicables aux gouvernements ont évolué entre ces deux extrêmes, passant d'une comptabilité de caisse à une comptabilité de caisse modifiée puis, plus récemment, à une comptabilité d'exercice intégrale. Traditionnellement, les gouvernements ont opté pour une comptabilité d'exercice modifiée, qui nécessite un rapprochement considérable avec la comptabilité d'exercice. Selon cette méthode, un gouvernement doit enregistrer ses revenus lorsqu'ils sont mesurables et disponibles, c'est-à-dire au moment où l'entrée de fonds est presque assurée. Il doit enregistrer ses dépenses lorsque se crée un engagement ou lorsqu'un service lui est facturé (Glick, 1990, p. 17-18).

Avec l'avènement de la nouvelle gestion financière publique, qui a émergé dans le sillon du nouveau management public, la modernisation des systèmes financiers gouvernementaux a principalement visé l'accroissement de l'efficience, de l'efficacité et de la transparence du secteur public. Pour plusieurs pays, l'instrument privilégié de cette modernisation a été un passage vers une comptabilité d'exercice (Olson, Humphrey et Guthrie, 2007, p. 5) qui, jusqu'à maintenant, était réservée à l'entreprise privée. Dans une perspective gouvernementale, la comptabilité d'exercice reflète davantage le moment où le gestionnaire a pris l'engagement d'effectuer une transaction (par exemple, le versement d'une indemnité de départ) que l'instant où cette transaction est réalisée. De plus, elle permet la comptabilisation de la valeur des actifs immobiliers, comme les terrains, les immeubles, les équipements, les systèmes d'exploitation, etc., dans le bilan du gouvernement (Aubry, 2004, p. 2). Le résultat attendu est donc de présenter une image financière publique plus crédible, plus transparente et plus aisément comparable avec d'autres gouvernements.

Les gouvernements sont entièrement souverains dans le choix de la méthode comptable utilisée. Cependant, les gouvernements fédéral et provinciaux canadiens se sont efforcés d'appliquer les normes comptables recommandées par l'Institut des comptables agréés du Canada qui, depuis 2005, prescrit l'application de la comptabilité d'exercice intégrale (Christie, 2009, p. 11).

Plusieurs questions se posent par rapport à l'évolution récente des méthodes comptables utilisées par les gouvernements, et principalement l'adoption d'une comptabilité d'exercice intégrale, calquée sur celle de l'entreprise privée. Les experts-comptables ont généralement approuvé cette modernisation des méthodes comptables des gouvernements, faisant valoir la supériorité, sur le plan démocratique, de normes indépendantes à l'abri de motivations politiques et donc plus garantes de l'intérêt public. Certains, cependant, évoquent la nature fondamentalement différente d'un gouvernement par rapport à l'entreprise privée et se demandent comment les normes applicables à cette dernière peuvent assurer une reddition de comptes adéquate pour un gouvernement (Christie, 2009, p. 12). D'autres encore reconnaissent une complexité inhérente à l'utilisation d'un modèle comptable fondé sur la comptabilité d'exercice et remettent en question l'argument selon lequel la méthode assure une plus grande transparence des états financiers. L'enjeu, alors, est de savoir si la comptabilité d'exercice intégrale est en mesure de garantir l'imputabilité financière du gouvernement auprès des Parlements et si elle est réellement propice à une prise de décision plus éclairée de la part des politiciens (Olson, Humphrey et Guthrie, 2007, p. 19-23).

Bibliographie

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Bhatta, G. (2006). International Dictionary of Public Management and Governance, Armonk, M.E. Sharpe.

Christie, T. (2009). Comptabilité d'exercice et processus budgétaires des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux au Canada, Toronto, Institut canadien des comptables agréés.

Glick, P. E. (1990). A Public Manager's Guide to Government Accounting and Financial Reporting, Chicago, Government Finance Officers Association.

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Olson, O., C. Humphrey et J. Guthrie (2007). Into the Shadow: A Reflection on International Developments in Public Sector Accounting, 30th Annual Congress of the European Accounting Association, 25-27 avril, Lisbonne, Portugal.

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Schiavo-Campo, S. et D. Tommasi (1999). Managing Government Expenditure, Manille, Asian Development Bank.

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Reproduction
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Pour citer
Rouillard, L. (2012). « Comptabilité (de caisse et d'exercice) », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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