Accès à l'information (Freedom of Information)

Paul-André Comeau, Professeur invité
École nationale d'administration publique
paul-andre.comeau@enap.ca

L'accès à l'information[1] désigne le régime mis en place en vue de permettre aux personnes d'obtenir une copie des documents produits et détenus par les composantes du système politique. Dans la plupart des cas, ce régime trouve appui dans des dispositions législatives qui garantissent aux citoyens un droit explicite en ce sens (Florini, 2007).

C'est à la Suède que revient le mérite d'avoir inventé et pratiqué l'accès à l'information depuis 1766 (Holstad, 1979). Il aura fallu attendre presque deux siècles avant que le gouvernement fédéral des États-Unis prenne le relais et adopte, en 1966, la Freedom of Information Act (Foerstel, 1999).

C'est dans les pays anglo-saxons et scandinaves que s'est développé, durant les années 1960, un mouvement en faveur de l'adoption de législations qui lèveraient ou amenuiseraient le secret érigé en dogme par les administrations gouvernementales (Michael, 1982; Rowat, 1979). En 1989, on relevait une douzaine d'États (et des États fédérés, notamment aux États-Unis et au Canada) qui s'étaient engagés dans cette voie. À la faveur des négociations en vue de son adhésion à l'Union européenne, la Suède a, en 1994, forcé le respect de son régime bicentenaire, à la stupéfaction des hauts fonctionnaires bruxellois. La Suède venait d'imposer à ses partenaires européens un principe et une mécanique qui étaient souvent considérés de haut. Par la suite, la mise en place d'un régime et d'une législation d'accès a été érigée en exigence fondamentale lors des négociations qui devaient mener à l'adhésion à l'Union européenne, en 2004, des anciennes démocraties populaires (Comeau, 2007).

Aujourd'hui, près de 80 États, la plupart des États fédérés des États-Unis, les provinces du Canada, plusieurs Lander d'Allemagne et certains cantons suisses, disposent d'une loi qui consacre le droit d'accès aux documents administratifs[2] (Privacy International, 1999; McDermott, 2007). Au fil des ans, plusieurs organisations internationales, de l'ONU jusqu'à l'Union européenne, ont emboîté le pas et se sont pourvues de dispositifs qui favorisent l'accès aux documents publics (Grigorescu, 2003).

Depuis le tournant des années 1990, l'accès à l'information s'inscrit dans des législations qui doivent concrétiser la transparence selon les exigences de la bonne gouvernance (Sanchez, 2002; Héritier, 2003). Les premières lois d'accès à l'information reposaient sur le principe plus traditionnel qui établit une équation entre la participation du citoyen à la vie politique et la qualité de l'information disponible.

Règle générale, ces lois d'accès participent d'un modèle générique. Elles visent l'ensemble, ou une partie, des documents détenus par l'État ou les diverses composantes du secteur public. Peu importe la forme ou le support de ces documents (papier, film, vidéo, enregistrement numérique, etc.), ils tombent tous sous l'emprise de ces lois. Le principe d'accessibilité générale des documents détenus par l'État est, la plupart du temps, assorti d'une disposition qui en soumet l'exercice aux dispositions énoncées par le législateur. Ainsi, ces lois prévoient l'exclusion de certains types de documents qui traitent, par exemple, des relations avec un autre État ou encore qui renferment des renseignements personnels. Elles confèrent aussi à l'administration publique une marge de discrétion à l'égard de certaines catégories de documents, tels les mémoires de délibération des organismes publics.

Le législateur a établi un dispositif d'accès dont peuvent se prévaloir les citoyens et, dans certains cas, toute personne, sans aucune considération de nationalité ou de résidence. Dans un bon nombre d'États, les entités de l'administration doivent confier à un responsable le mandat de recevoir les demandes d'accès et d'y répondre, conformément à des dispositions précises et dans des délais également spécifiés. Ce responsable peut transmettre intégralement, ou en partie, le ou les documents sollicités. Il doit justifier son refus en invoquant une disposition précise de la loi.

La plupart des législations comportent des mécanismes d'appel en cas de refus total ou partiel. Du recours gracieux devant l'auteur du refus jusqu'à l'audience devant un tribunal administratif, sans oublier l'intervention d'un ombudsman (ou médiateur) : les demandes de révision ou de reconsidération d'un refus sont traitées en fonction de l'esprit de la loi et de la culture politico-administrative. Dans certains cas, aux États-Unis notamment, seul est ouvert au demandeur déçu le recours devant les tribunaux.

Les événements du 11 septembre ont ravivé la méfiance de dirigeants politiques et de technocrates qui voient d'un mauvais œil l'ouverture à tout venant des livres et des fichiers de l'État (Feinberg, 2004). Les demandes des journalistes inquiètent particulièrement les titulaires, élus et nommés, des fonctions gouvernementales (Pasquier et Villeneuve, 2006; Caron et Hunt, 2006). Les partis d'opposition, surtout dans les systèmes dits de Westminster, utilisent les lois d'accès pour exercer leur mandat de contrôle de l'appareil gouvernemental et souvent pour fourbir leurs armes en prévision de la période de questions parlementaires. Certains universitaires en arrivent même à s'interroger sur le bien-fondé de ces lois d'accès qui fragiliseraient le pacte de collaboration établi entre les ministres et les hauts fonctionnaires (Savoie, 2003). D'autres universitaires déplorent les tactiques imaginées par les gouvernements pour bloquer la remise de documents qui pourraient s'avérer compromettants (Robarts, 2006; Pasquier et Villeneuve, 2005). De telles considérations expliquent en partie les hésitations des gouvernements à engager la révision des lois d'accès adoptées il y a plusieurs décennies avant que les technologies de l'information ne modifient sensiblement la donne.

Au tournant du millénaire, les grandes organisations internationales, à commencer par l'ONU, ont également procédé à l'adoption de chartes ou de déclarations établissant ou favorisant l'édiction de législations en matière d'accès à l'information. C'est le cas de la Communauté économique européenne (CEE) avec la Convention d'Aarhus (1998) qui détermine les droits d'accès aux documents relatifs à l'environnement (United Nations Economic Commission for Europe, 1998). De même, l'Organisation des États américains s'est dotée d'une déclaration de principes qui consacre le droit d'accès aux documents de l'administration publique (OAS, 2000). Le Commonwealth a, en 1999, proposé à ses États membres une législation type (Commonwealth, 1999); l'UNESCO a emboîté le pas en publiant un schéma du même genre (Mendel, 2008). Enfin, le Conseil de l'Europe a ouvert à la ratification des États membres sa convention sur l'accès aux documents publics qui deviendra le premier instrument juridique contraignant, lorsque ratifié par au moins dix États signataires (Conseil de l'Europe, 2008).

Bibliographie

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[1] L'expression « accès à l'information » est un calque de la construction anglaise freedom of information utilisée depuis l'adoption par le Congrès des États-Unis, en 1966. Il serait plus juste de parler « d'accès aux documents de l'administration publique ».

[2] L'organisme privé Privacy International publie sporadiquement le relevé complet des États qui se sont dotés d'une législation dans ce domaine. Voir : www.privacy.org

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Reproduction
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Pour citer
Comeau, P.-A. (2012). « Accès à l'information », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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