Dénonciation (Whistleblowing)

Pierre Bernier, Professeur associé
École nationale d'administration publique

pierre.bernier@enap.ca

Dans le domaine des sciences administratives, mais pas seulement, le terme dénonciation a retrouvé les accents neutres de sa signification originelle[1]. Au sein de nombreuses organisations, ce vocable est aujourd'hui utilisé pour désigner, sans connotation péjorative, l'action ou l'acte éthique de déclarer une infraction ou un dysfonctionnement discerné par un collaborateur, soucieux d'éviter, par un tel avertissement, une malversation ou une dérive aggravée.

Le terme dénonciation – ainsi réhabilité dans la logique de l'expression anglaise whistleblowing, formulation métaphorique d'une pratique d'alerte civique en usage dans le monde anglo-saxon[2] – a le sens de la communication réputée conçue et transmise dans l'intérêt supérieur d'une entité publique ou privée pour déclencher une « alarme interne » sur un aspect dont l'intégrité est vue menacée. Action d'une personne active au sein de l'entité, voire d'un proche partenaire (sous-traitant dont l'activité est liée à la bonne tenue de l'appareil donneur d'ouvrage par exemple), cette démarche témoigne d'un souci de prévenir les autorités, sans détour, pour leur permettre de corriger une situation équivoque, actuelle ou appartenant à un passé récent, jugée illicite, immorale ou contraire à l'intérêt public.

Aujourd'hui, toutefois, des usages dérivés de ce concept sont constatés pour exprimer des préoccupations plus ou moins parentes. Il existe, en effet, de ces tonalités dans le discours public pour étiqueter un propos d'alerte (documenté scientifiquement ou non) sur des conséquences anticipées néfastes résultant d'un phénomène sociétal ou inhérentes à l'entretien d'une activité. Quelquefois même pour donner abusivement du poids à un propos banal de sensibilisation à des procédés mis en œuvre légitimement dans la discrétion, simplement méconnus du grand public… ou du « messager » candide, assoiffé de notoriété.

Notion de dénonciation en milieu organisationnel

Retenus en tant qu'instrument pour favoriser l'exercice du contrôle à l'intérieur d'une entité structurée, les dispositifs entourant la dénonciation à des fins d'alerte organisationnelle doivent satisfaire diverses conditions pour acquérir « une légitimité de type légal-rationnel » (Bernoux, 2006) aux yeux des acteurs susceptibles d'en user.

L'autorité qui veut conférer pertinence et crédibilité à cet instrument doit forcément mettre en œuvre une série de mesures convergentes qui s'appuient mutuellement, c'est-à-dire :

  • organiser un processus de captation approprié compte tenu des thématiques visées et de la culture organisationnelle ambiante;
  • prévoir une méthode transparente pour assurer un traitement diligent des révélations par une vérification du bien-fondé des allégations;
  • répondre promptement aux faits déviants avérés, par des mesures de redressement adéquates;
  • fournir sans ambiguïtés les garanties d'un régime cohérent de protection pour les divulgateurs et les personnes mises en cause.

Reste que l'image qui se dégage de cette énumération ne correspond que partiellement à la réalité du phénomène, également connu sous l'appellation d'alerte éthique. Certes, l'acte du dénonciateur, le whistleblower[3], qui informe directement la structure de l'entité qui l'emploie sur des activités à ses yeux incohérentes avec les valeurs, l'éthique ou les règles promues – normes aux finalités desquelles ils adhèrent au point de se porter à leur défense – justifie une interprétation ainsi balisée.

Par contre, il y a également effet whistleblowing lorsqu'un collaborateur tire la sonnette d'alarme en s'adressant à l'extérieur du cadre hiérarchique qui le subordonne. Lorsqu'un individu révèle des « pratiques illégales, immorales ou illégitimes couvertes par ses employeurs à des personnes ou des organes susceptibles de provoquer une action correctrice » (Brown et Latimer, 2008), il agit dans le même esprit. Que ce soit en divulguant des informations à une autorité externe à sa hiérarchie directe (par exemple un service institutionnel chargé de la déontologie : compliance office, ombudsman, contrôleur, vérificateur externe) ou encore en s'adressant à la police ou directement au public par le canal d'un média de masse par exemple, le dénonciateur ambitionne logiquement un résultat analogue.

Dans de nombreux différends suscités par ces dernières façons de faire, la théorie (doctrine) dite de DeGeorge (1990) a souvent été invoquée pour légitimer une dénonciation à l'externe. S'y trouvent cinq critères justificatifs qui complètent utilement l'éclairage du périmètre visé par le concept de « dénonciation en milieu organisationnel ». Retenus par la jurisprudence dans de nombreux régimes de common law, ces paramètres se déclinent comme suit :

  • L'organisation doit être impliquée dans des situations susceptibles de causer un tort considérable au public à travers ses produits ou ses pratiques;
  • Le dénonciateur doit avoir rapporté à sa hiérarchie la menace identifiée et avoir conclu que l'intervention de celle-ci ne serait pas efficace;
  • Le dénonciateur doit s'être appliqué à épuiser un nombre raisonnable de recours internes;
  • Le dénonciateur doit détenir une preuve susceptible de convaincre un observateur impartial de l'existence d'une menace;
  • Le dénonciateur doit croire de bonne foi que la révélation permettrait de prévenir dorénavant le problème... « à moindre coût! ».

Des historiques différenciés

Si l'obligation de porter une information à la connaissance d'une autorité compétente dotée d'un pouvoir de sanction ou de correction est un principe présent depuis longtemps dans les prescriptions faites aux titulaires d'une charge ou d'un emploi public, quel que soit le système politique ou le régime juridique, cette norme de conduite a fait, au début des années 2000, une rentrée aussi inattendue que remarquée en tant qu'outil de gestion de la transparence et de l'intégrité au sein des organisations qui relèvent du droit privé.

Secteur public

Dans l'administration publique des régimes démocratiques, qui, « génétiquement », valorisent transparence et responsabilité pour entretenir une confiance justifiée de la population, la chronologie historique du recours à la dénonciation (au sens de divulgation interne) remonte à l'inclusion au droit public de l'obligation, pour les titulaires d'une charge, d'agir en tout temps dans le respect des lois et de l'éthique publique. Corollaire des préceptes de l'État de droit, les titulaires d'une fonction publique sont théoriquement habilités[4], à l'instar des citoyens d'ailleurs, pour dénoncer toute dérogation aux normes légales qui régissent l'action publique[5].

Mais encore faut-il que le discours des autorités administratives (élues ou nommées) et un encadrement approprié viennent en soutenir l'observance, et non la décourager!

Contexte d'une gestion publique disciplinée par un droit administratif englobant

Au sein des appareils publics dotés d'un système de droit administratif englobant, qui vise littéralement la gestion par le droit, le paradigme que « l'administration s'occupe de l'administration » (Bergeron, 1969) s'est avéré déterminant. Dans ce modèle qui a pris racine en Europe continentale, les organes qui incarnent les fonctions législatives et gouvernementales chargées de contrôler l'administration ont en effet d'abord strictement limité à la logique hiérarchique la transmission éventuelle, par les agents, d'informations sensibles touchant aux manquements, aux dysfonctionnements ou même à la corruption par souci de cohérence avec le principe d'autorité hiérarchique, valorisé par le système bureaucratique dans ce secteur pour, notamment, le mettre à l'abri des pressions indues.

En contrepartie, les Parlements et les gouvernements se sont appuyés sur des dispositifs de contrôles administratifs et financiers procéduriers pour encadrer, ante et post, l'action conduite au quotidien, et ont confié – principe de spécialité de l'action publique – à des entités publiques externes aux services opérationnels (contrôleurs, vérificateurs, commissaires aux comptes, etc.) la responsabilité du contrôle de légalité, de conformité, voire celui d'opportunité des actes, notamment, d'optimalisation des ressources.

Dans un tel cadre juridico-administratif, les appareils voués au contrôle par constats, généralement dotés de larges pouvoirs de suivi, d'enquête, d'examen et de sanction pour dépister, instruire et éventuellement punir les contraventions aux règles prescrites, ne peuvent ordinairement compter que sur l'examen méticuleux (audit a posteriori) des actes ou pièces consignées et sur le flair professionnel de leurs agents pour assurer la réussite de leur mission.

Contexte d'une gestion publique nécessitant une régulation déontologique

En revanche, la tradition juridique dite anglo-saxonne qui a longtemps assujetti l'administration publique qu'au droit commun (common law) a ressenti l'utilité, qualifiable aujourd'hui de managérielle, d'encourager la transmission d'information factuelle pour alerter l'autorité sur les anomalies ou les malversations pouvant affecter la bonne tenue des affaires publiques.

De fait, en Grande-Bretagne, l'histoire institutionnelle tend à établir au XIIIe siècle l'amorce du développement d'une perception positive entretenue encore aujourd'hui à l'égard d'un whistleblowing au service de la bonne administration des affaires de la nation. Cette vision remonte à l'adoption du principe de l'action Qui tam[6] : disposition prise par le souverain pour autoriser la saisie, en son nom, de la Cour, puis de divers tribunaux au fur et à mesure de leur instauration, concernant le non-respect des prescriptions royales affectant la vie collective. L'objectif étant que la population composée de sujets libres, tous reconnus de ce fait acteurs responsables de la vie en collectivité, se montre motivée à agir au nom et dans l'intérêt (quoique non exclusif) de la Couronne.

Au XIXe siècle, les innovations juridiques entourant la pratique de la dénonciation en tant qu'instrument de défense des intérêts collectifs se retrouvent outre-Atlantique[7]. Lorsque survint la guerre de Sécession, avec ses prévarications au niveau des fournisseurs de l'armée nordiste, le Congrès passa la False Claims Act (également connue sous le nom de Lincoln Law) destinée à instrumenter les enquêtes pénales par dénonciation, faute de pouvoir compter sur une administration de la justice en état de prendre la responsabilité de l'action publique à caractère judiciaire. La procédure juridique autorisée désormais aux citoyens étatsuniens, parfois proches des agents de l'administration, est prise au nom du gouvernement fédéral, voire de l'État ou de la localité qui a promulgué les mêmes dispositions, sous réserve qu'elle soit fondée sur une connaissance directe de fraudes à l'endroit des pouvoirs publics.

Confortée par la Lloyd-La Follette Act en 1912, puis pratiquement suspendue d'effets durant la Seconde Guerre mondiale, ce n'est qu'en 1986, après plusieurs années de reproches, principalement adressés aux diverses filières de l'industrie militaire, qu'il est devenu plus facile pour les citoyens et plus lucratif – 15 à 35 % de la somme récupérée pouvant être remise au dénonciateur par le tribunal – d'utiliser les prescriptions de la loi pour dénoncer les malversations. En outre, des amendements apportés à cette occasion au texte législatif d'origine prévoient enfin protéger le dénonciateur qui se voit « rétrogradé, suspendu, menacé, harcelé ou de toute autre manière l'objet de discrimination dans les termes et conditions d'emploi » pour de tels actes « louables » au plan civique, accomplis en vertu de cette loi.

Depuis, les États-Unis montrent un leadership certain parmi les pays sous régime de common law[8] quant à la confiance accordée au whistleblowing à des fins de contrôle des risques et des pressions, internes ou externes, pouvant affecter l'intégrité des processus administratifs et financiers sous régulation publique. La création du National Whistleblower Center en 1988, l'adoption en 2002 de la loi Sarbanes-Oxley (SOX) jusqu'à la récente mise à jour de la Whistleblower Protection Act de 2007 en sont l'illustration.

Secteur privé

Dans le secteur privé, à l'exception de rares entreprises qui au fil du temps s'étaient dotées d'un dispositif interne de divulgation[9], il faut attendre jusqu'en 2002 pour voir l'institutionnalisation de la dénonciation dans le droit corporatif.

L'adoption de la loi Sarbanes-Oxley (SOX) par le Congrès américain à la suite des scandales financiers retentissants des sociétés Enron et WorldCom pour pratiques frauduleuses, ourdies dans les mêmes temps que de semblables chez Nortel, s'est avérée l'épicentre d'un séisme, qualifié par certains de « vertueux ». Celui-ci a frappé les pratiques corporatives de plein fouet, et les ondes de choc continuent d'ébranler valeurs culturelles et doctrines juridiques dans de nombreux pays.

Les sociétés américaines (y compris leurs filiales déterritorialisées) et les entreprises étrangères inscrites (cotées) en Bourse aux États-Unis se sont vues dès lors obligées de se doter d'un dispositif permettant aux employés d'exercer un droit de dénonciation sur leurs pratiques financières et forcées à adopter des mesures qui accordent une protection de confidentialité en cas de divulgations adressées par un whistleblower au comité de vérification de l'entreprise, instance dont l'instaura­tion ou la modernisation de la mission est également devenue obligatoire.

Un instrument au service de la fonction vérification

Ces nouvelles prescriptions sur le whistleblowing, décrété unilatéralement par l'État américain, ont rapidement été incorporées dans la terminologie internationale officielle dite IFRS (International Financial Reporting Standards), que les structures nationales de régie de la discipline comptable sont engagées à suivre.

L'instauration d'un dispositif fiable de dénonciation des écarts de conduite par rapport aux normes reconnues est ainsi devenue le principal instrument jugé apte à garantir efficacement[10] une circulation d'informations utiles (prévention et correction) sur ces matières délicates. Provenant d'individus (employés, contractuels) loyaux et responsables, qui partagent les valeurs et les principes éthiques promulgués par l'organisation, la substance des révélations visées se limite toutefois aux faits ou aux soupçons circonstanciés concernant des « cas de fraude, irrégularité ou mauvaise gestion délibérée de la part d'une personne ou d'un groupe interne[11] ».

Exclusivement axé sur la défense des intérêts de l'organisation corporative, ce mode d'alerte organisationnelle prévoit l'adoption de dispositifs appropriés relevant d'une réelle politique de gestion de l'information organisationnelle[12], mesure antérieurement absente ou lacunaire. En vertu des normes et procédures comptables, les autorités corporatives sont donc contraintes tant d'accepter énoncés de valeurs et code déontologique que d'instaurer dispositifs et instances dédiées – comité de déontologie, canaux de divulgation confidentielle, formation obligatoire, etc. – et de faire rapport annuellement de la vérification de leur bon fonctionnement, afin de permettre de façon pérenne aux employés d'informer diligemment l'employeur s'ils estiment que ses intérêts sont lésés ou menacés.

Dans ce cadre, pour neutraliser les dilemmes éthiques susceptibles de se manifester, notamment lors d'une divergence possible entre les intérêts corporatifs et l'intérêt général de la société, l'action de dénonciation est présentée[13] au personnel comme un acte de loyauté de l'employé. D'une part, cela donne à l'organisation l'occasion de préserver son image avant que les faits ne parviennent à la connaissance du public et, d'autre part, un whistleblowing strictement interne permet d'éviter les suites pénales des irrégularités dénoncées, si elles le sont à temps et si elles sont suivies de mesures correctrices. Présentée ainsi, la dénonciation interne est souvent prise comme un nouvel aspect de la politique de qualité de l'entreprise.

La dénonciation : une pratique en expansion?

Le champ sémantique de l'expression dénonciation, briguant une connotation civique justifiée, parce que non calomnieuse ou bassement délatrice, tend à vouloir s'élargir dans la sphère publique.

De plus en plus fréquemment on entend la revendication d'étendre le caractère licite d'une action de dénonciation dont l'objet porte sur des faits objectifs, connus de première main (ou par indiscrétion) ou encore ceux « scientifiquement » établis, voire logiquement déduits de telles connaissances. Et alors de prévoir pour le divulgateur, alors désigné sous l'appellation « lanceur d'alerte[14] », un régime de protection conséquent.

Personne physique ou morale, généralement indépendante de l'entité ciblée, l'« alerteur » se reconnaît animé en toute légitimité par un souci palliatif ou préventif de faire connaître dangers ou aboutissements anticipés néfastes concernant aussi bien une action publique que des activités ou procédés d'une entité privée dont les finalités ou les externalités sont estimées indésirables. Invoquant l'objectivité argumentaire de l'examen scientifique, rarement philo­sophique ou idéologique, sa démarche veut éclairer directement l'opinion publique, et, sans doute au travers elle, les autorités qui ont le pouvoir d'agir. Ce discours d'alerte focalise habituellement sur un état de fait ou sur ses effets induits probables, supposés préjudiciables à l'intérêt légitime de citoyens (individus, appareils corporatifs), souvent à l'intérêt général de la société, voire celui du genre humain.

Quelque peu inévitable, cette thématique est au cœur des enjeux de l'éthique publique appliquée, laquelle, faut-il le rappeler, n'est pas l'apanage des titulaires d'une charge publique. Reste que lorsqu'il est question de protection du déclencheur d'alerte, comme de celle de l'entité mise en cause, cela concerne aussi la démocratie sur le terrain de la tension entre les droits individuels et les obligations collectives. Aussi, dans ces sociétés de droit, anciennes ou naissantes, s'observe une recherche, parfois passionnée, de la façon de concilier l'impératif de protéger celui qui a le courage social de défendre l'intérêt collectif contre une menace qu'il sent importante avec l'impératif de prévenir les abus de dénonciation dans un contexte (social et technologique) favorable aux « révélations » de tout genre.

Bibliographie

Bergeron, G. (1969). Fonctionnement de l'État, Paris, Librairie Armand Colin.

Bernoux, P. (2006). « Sociologie des organisations », dans J.-P. Durand et R. Weil (dir.), Sociologie
contemporaine
, Paris, Vigot.

Brown, A. J. et P. Latimer (2008). « Whistleblower Laws: International Best Practice », UNSW Law Journal, vol. 31, no 3.

Chateauraynaud, F. (2008). Les lanceurs d'alerte dans l'espace politique, Réflexions sur la trajectoire d'une cause collective, http://gspr.ehess.free.fr/docs/FC/doc/doc-FC-2008-Lanceurs.pdf (page consultée en
décembre 2011).

Davis, M. (2003). « Some Paradoxes of Whistleblowing », dans W. H. Shaw (dir.), Ethics at Work, Oxford,
Oxford University Press.

DeGeorge, R. (1990). Business Ethics, New York, Macmillan.

Jubb, P. (1999). « Whistleblowing: A Restrictive Definition and Interpretation », Journal of Business Ethics, vol. 21, no 1, p. 77-94.

Kline, A. D. (2006). « On Complicity Theory », Science and Engineering Ethics, vol. 12, no 2, p. 257-264.

Le Robert (1992). Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.

Institut canadien des comptables agréés (2005). Contrôles et procédures de communication de l'information : aider les chefs de la direction et les chefs des finances à s'assurer de la fiabilité de l'information, Toronto.


[1] Emprunté au dérivé latin denonciatio, le mot dénonciation signifiait à l'origine « annonce, déclaration ». Ce sens neutre est sorti de l'usage courant en langue française, sauf dans certains contextes officiels, dès la période de la Renaissance pour prendre un sens spécialisé (par exemple, annonce par laquelle on met fin unilatéralement à une entente, un traité ou un contrat), puis une connotation péjorative de signalement d'un acte ou d'une personne comme coupable d'enfreindre une norme établie : plainte, accusation, délation (Le Robert).

[2] En anglais, « To blow the whistle » signifie littéralement lancer un coup de sifflet, comme le ferait un agent de police ou un arbitre. Usuellement, l'expression whistleblowing s'applique à la démarche d'une personne active au sein d'une entité privée ou publique qui signale un acte qualifiable de wrongdoing.

[3] Le terme whistleblower jouit d'un historique étymologique neutre, un peu comme celui du vocable allemand correspondant hinweisgeber, alors que le vocable dénonciateur peine à s'affranchir d'une connotation péjorative que lui a octroyée l'histoire au cours du siècle dernier.

[4] Voire obligés par une norme juridique comme l'obligation faite à tous les fonctionnaires français de « dénoncer les infractions dont ils ont connaissance dans le cadre de leur activité » (article 40 du code de procédure pénale).

[5] Et au premier titre, les anormalités entourant les facteurs de production du service public : qualité des ressources utilisées, modes d'acquisition et de mobilisation, usages à des fins appropriées et qualité du service rendu.

[6] Qui tam : abréviation de l'expression latine « Qui tam pro domino rege quam pro sic ipso in hoc parte sequitur » que les juristes britanniques traduisent par « Who sues on behalf of the King as well as for himself », soit littéralement en français « celui qui porte une affaire au nom de notre seigneur le roi, comme ainsi que pour lui-même ».

[7] Au moment de la création des États-Unis, le nouvel État avait adopté la quasi-totalité de la législation anglaise, y compris de nombreuses lois dont le respect était assuré par une procédure dite Qui tam.

[8] Pays ayant pris des mesures en ce domaine : Whistleblowers Protection Act en Australie (1994), Public Interest Disclosure Act au Royaume-Uni (1999), Protected Disclosures Act en Nouvelle-Zélande (2001) et la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles au Canada (2007), après plusieurs tentatives infructueuses.

[9] Situation d'ailleurs souvent dénoncée par les employés pour motifs de représailles fréquentes à l'égard des dénonciateurs laissés sans protection ou décriée par des entreprises concurrentes, craintives pour le secret de leurs propres méthodes de gestion des affaires pratiquées sur des marchés communs.

[10] Ce canal se montrera d'ailleurs rapidement le plus efficace (près de 50 % des délits sanctionnés aux États-Unis en 2009) pour focaliser l'action des organes chargés de la vérification financière sur les dynamiques ou pratiques non orthodoxes, voire déviantes, généralement imperceptibles autrement.

[11] Formulation retenue du Grand dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française.

[12] Par exemple, le Conseil sur la gestion des risques et la gouvernance de l'Institut canadien des comptables agréés propose dès 2005 un premier guide à cette fin en application du règlement 52-110 pris en 2004 sur la modernisation du comité de vérification. Celui-ci stipule, notamment, l'adoption de « procédures concernant l'envoi confidentiel, sous le couvert de l'anonymat, par les salariés […] de préoccupations touchant des points discutables en matière de comptabilité ou de vérification ».

[13] Et ce, malgré les mises en garde faites par plusieurs analystes tels Jubb (1999), Davis (2003) ou Kline (2006), sur les modes de gestion du whistleblowing par l'entreprise.

[14] François Chateauraynaud (qui avec Didier Torny a avancé initialement ce néologisme en 1999) tente de préciser ce concept, typique d'une certaine épistémologie sociologique qui prétend réussir à séparer les « faits » des « émotions ou valeurs » dans la sphère publique. Il soumet, entre autres en 2008, que « La notion de “lanceur d'alerte” désigne toute entité, personne, groupe, institution, qui assume cette fonction d'alerte et qui cherche à faire reconnaître, souvent contre l'avis dominant, l'importance d'un danger ou d'un risque. […] À l'opposé du modèle du whistleblower, le “lanceur d'alerte” décrit celui […] qui détecte des prodromes, des signes précurseurs sans avoir nécessairement d'interprétation ou de cadre prédéfini pour les qualifier. À l'idée du coup de sifflet, de l'arrêt d'un processus déclenché par un acteur qui a le pouvoir et l'autorité pour le faire, on a préféré celle d'une trajectoire ou même de la carrière d'un problème qui ne devient public que graduellement. »

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Reproduction
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Pour citer
Bernier, P. (2012). « Dénonciation », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l'administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.ca

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada, 2012 | ISBN 978-2-923008-70-7 (En ligne)

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